La vie du transport fluvial est loin d’être un long fleuve tranquille. Très utilisé depuis des siècles, il connaît un déclin qui suit « celui de l’industrie, depuis les années 1970 », souligne d’emblée Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France (VNF). Cet établissement public à caractère administratif gère 6 700 km de fleuves, rivières et canaux sur les 8 500 que compte le pays, soit environ 80 %.
D’un point de vue comptable, l’importance du fluvial dans le transport hexagonal est désormais minime. Selon un rapport du ministère de la Transition écologique paru en mai 2021, il représentait environ 2 % du transport intérieur de marchandises en 2019. En Allemagne, dont la longueur du réseau de voies navigables utilisées est supérieure de 50 %, il était de 7 %.
Une différence qui s’explique notamment par la capacité des voies à permettre la navigation de navires de grands gabarits : la France, faute d’investissements nécessaires depuis des années, en possède peu par rapport à d’autres pays européens.
Doublement des investissements
Ce déclin pourrait prendre fin grâce à la transition écologique. Selon les données de VNF, transporter ainsi des marchandises émet cinq fois moins de CO2 que par la route, mode largement majoritaire en France. Preuve de ce renouveau, « nos investissements s’élèvent en 2023 à 340 millions d’euros, contre moitié moins il y a trois ou quatre ans », se félicite Thierry Guimbaud.
Ce potentiel de décarbonation intéresse enfin les pouvoirs publics, après des années de désamour. Un désamour illustré par le retard conséquent du canal Seine-Nord Europe (106 km devant relier l’Oise au canal Dunkerque-Escaut dans le Nord). Un projet dans les cartons depuis 2002 !
La promesse d’un acheminement plus « vert » des personnes et des marchandises est belle. L’enjeu, colossal : le transport (passagers inclus) est responsable d’environ un quart des émissions au niveau mondial. Mais la tenir s’annoncera ardu. Car le fluvial demeure concentré sur quelques marchandises très spécifiques : les matériaux pour le BTP (40 % du volume environ) et les céréales (30 %). « Le transfert d’autres flux n’est pas spontané », admet Thierry Guimbaud.