Jeudi 22 février 2018, début d’après-midi. Arrivés au siège du Medef, les négociateurs syndicaux et patronaux ne cachent pas leur colère, les yeux tirés après une nuit quasi blanche pour achever plusieurs semaines de négociation sur la formation professionnelle. Leur cible ? Muriel Pénicaud. La ministre du Travail d’alors n’a pas attendu qu’ils signent leur accord interprofessionnel pour le rejeter en bloc, ou presque, dès potron-minet sur une chaîne d’information .
Changement d’attitude trois ans et demi plus tard. La loi Pour la liberté de choisir son avenir professionnel sur la formation continue votée en septembre de la même année s’est imposée et les partenaires sociaux ont en grande partie remisé leurs griefs.
Pour en juger, il suffit de parcourir l’évaluation qu’ils viennent d’en faire dans le cadre de leur agenda de négociation autonome. Il en ressort un catalogue de 49 propositions assez consensuelles, plus ou moins abouties, et surtout loin, très loin, de remettre en cause le « big bang » imposé par Muriel Pénicaud.
Chemin à parcourir
Certaines restent très générales comme la numéro 17 (« valoriser les nouvelles modalités de formation, à distance par exemple ») ou la 19 (« publier un vademecum paritaire pour approfondir le dialogue social sur le développement des compétences »). D’autres (numéros 26 et 27) montrent à quel point il reste du chemin à parcourir puisque les partenaires sociaux estiment nécessaire « d’engager un travail pour identifier les données utiles au pilotage national et régional » de la formation. Depuis le temps…
Une concertation pour rien alors ? Non, car nombre de propositions ouvrent la voie à des améliorations concrètes. Ainsi la possibilité pour les centres de formation d’apprentis de venir se présenter aux élèves de 3e (numéro 2). Ou encore des leviers de simplification des procédures d’abondement du CPF de leurs salariés par leur employeur (13).
Pragmatisme
Le ressentiment d’il y a trois ans n’a toutefois pas complètement disparu. Cinq propositions au moins (28, 29, 30, 33 et 34) montrent que syndicats et patronat n’apprécient guère d’être laissés en marge des décisions prises par l’Etat au sein de France compétences, l’autorité régulatrice instaurée par la loi de 2018.
Pragmatiques, mais conscients sans doute aussi qu’il est inutile de rejouer les batailles perdues, les partenaires sociaux mettent surtout le doigt sur le problème majeur du moment : le déséquilibre financier d’une réforme victime de son succès . C’est sous ce prisme qu’il faut lire les propositions pour éviter l’emballement du compte personnel de formation (12, 13 et 43). Plus directement, la fin des exonérations de taxe d’apprentissage est censée rapporter 700 millions par an (37). Ces manifestations de saine gestion n’empêchent pas les intéressés, de manière un peu contradictoire, de pousser à la dépense via des incitations fiscales pour les entreprises (20) ou des crédits d’impôts pour les particuliers (47).