Diminuer les taxes sur les activités de réparation serait bénéfique pour la planète… et pour les finances publiques. C’est ce qu’affirme un rapport sur la « TVA circulaire », remis à Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique. Les auteurs invitent le gouvernement à mettre en place une TVA réduite – à 10 % ou 5,5 % au lieu de 20 % – sur ces activités, dès que possible.
« Cette mesure de baisse d’impôt viendrait compléter le dispositif actuel, à côté du bonus réparation et de l’indice de réparabilité, explique Christophe Béchu. Il faut soutenir ce qui est réparable et réparé. Il n’y aura pas de transition écologique sans transition fiscale. »
Au printemps dernier, le ministre avait mandaté Emmanuelle Ledoux, la directrice de l’Institut national de l’économie circulaire (Inec), et Emery Jacquillat, le patron de Camif. Charge à ces deux experts d’étudier si des produits recyclés ou écoconçus pouvaient bénéficier de taux réduits de TVA, afin de les rendre plus compétitifs et ainsi contribuer à passer d’une économie linéaire (acheter, jeter, consommer) à une économie circulaire (acheter, réparer, recycler).
Feu vert de Bruxelles
Le premier obstacle identifié par le rapport est réglementaire. Les taux de TVA réduits sont très encadrés par une directive européenne, qui ne permet pas aujourd’hui d’en faire bénéficier des articles reconditionnés ou écoconçus, par exemple. Le rapport invite à définir juridiquement ces produits, puis à travailler sur une modification des textes européens.
Mais cela prendra du temps. En revanche, « la directive sur la TVA permet dès maintenant d’adopter des taux réduits sur la réparation de l’électroménager, des chaussures, des articles en cuir, du linge de maison ou des vélos, liste Emery Jacquillat. Faisons-le. » La France ne ferait d’ailleurs que combler son retard : douze pays de l’Union européenne ont déjà sauté le pas.
La disparition des cordonniers
Les auteurs s’attachent aussi à vaincre les réticences prévisibles des autorités. La Cour des comptes, notamment, a plusieurs fois exprimé son agacement devant la multiplication des taux réduits de TVA, jugés inefficaces et coûteux. La baisse de la TVA dans la restauration en 2009 est souvent brandie comme l’exemple à ne pas suivre : la mesure avait coûté des milliards d’euros à l’Etat, sans réellement bénéficier aux consommateurs.
Mais le contexte est différent pour la réparation, plaide le rapport. Il ne s’agit pas ici d’envoyer un « signal prix » au consommateur, mais bien de gonfler les marges d’un secteur sinistré, pour lui redonner viabilité et attractivité.
« Il n’y a pas de modèle économique de la réparation actuellement. Même les gros acteurs comme Decathlon le disent : ce n’est pas rentable, explique Emmanuelle Ledoux. On avait 8.000 cordonniers dans les années 1980, il n’y en a plus que 3.500 aujourd’hui, et beaucoup se rapprochent largement de l’âge de la retraite. Pour les réparateurs d’électroménager, c’est la même chose. Même les grands groupes qui veulent proposer des services de réparation ont beaucoup de mal à recruter. Or, pour que ça marche, il faut un vrai maillage territorial. »
Une bonne affaire pour Bercy
De plus, les auteurs assurent que la mesure ne coûtera pas un euro. Au contraire, elle pourrait ramener plusieurs milliards dans les caisses de l’Etat. Pour aboutir à cette conclusion contre-intuitive, le rapport fait des modélisations sur plusieurs catégories de produits : chemise, chaussures, canapé, chaise, lave-linge, aspirateur.
Dans presque tous les cas, les changements de comportement d’achat font plus que compenser la baisse de la fiscalité. En clair, il suffit que certains consommateurs – poussés par l’existence d’une offre de réparation bon marché – renoncent à acheter un produit bas de gamme et lui préfèrent un modèle réparable de meilleure qualité et plus cher pour que les taxes affluent dans les coffres de Bercy.
« L’enjeu est de consommer moins mais mieux. Ce modèle économique est plus favorable pour l’Etat, car un produit qui est trois ou quatre fois plus cher parce qu’il est conçu et fabriqué en France génère plus de rentrées fiscales, même avec une TVA réduite, qu’un produit jetable fabriqué en Chine », résume Emmanuelle Ledoux. Le ministre de la Transition écologique va maintenant devoir convaincre ses collègues de Bercy d’intégrer la mesure dans le projet de loi de finances pour 2025.