Elles s’en cachent de moins en moins. Après avoir été l’un des moteurs de l’Union bancaire ces dernières années, les banques françaises ne militent désormais plus activement pour l’achèvement de ce projet phare de la construction européenne. « Ce constat est juste, nous l’avons fait aussi », soupire une source proche de la supervision bancaire.
L’objectif initial, atteint seulement en partie, était de créer un terrain véritablement européen pour les banques. Cela suppose un superviseur commun (rôle tenu par la Banque centrale européenne), des règles communes pour « dissoudre » une banque en difficulté, et enfin une protection commune pour les dépôts des épargnants .
Ce dernier point (appelé « troisième pilier ») est devenu le point de blocage de cette construction . « Le risque, c’est désormais que l’on fasse de nouvelles concessions, sans que l’on n’obtienne rien en contrepartie », notamment de la part des « petits » pays, tranche une responsable bancaire en France.
Les doutes s’accumulent
L’an dernier, un article signé dans la revue « Banque », par un responsable de la Fédération bancaire française annonçait la couleur. « L’achèvement de l’Union bancaire ne peut être soutenu qu’à condition que la solution cible de cette Union bancaire ait été pleinement clarifiée et partagée », écrivait-il alors.
A mesure que le temps passe, les doutes s’accumulent côté français : l’Union bancaire devait apporter aux puissantes banques hexagonales un débouché naturel, sur lequel elles auraient joué le rôle de consolidateur. Or, les barrières nationales restent fortes, les pouvoirs publics (en Allemagne ou en Italie notamment) parviennent encore à sauver « leurs banques » , et la réglementation – estiment les banques – n’incite pas à des grandes acquisitions transfrontalières en Europe. Les banques françaises, de plus, pèsent déjà fortement en Europe – Crédit Agricole et BNP Paribas en tête – dans le cadre actuel.
A cela s’ajoute une critique récurrente : le secteur contribue lourdement chaque année au financement d’un fonds de secours bancaire (le « fonds de résolution unique » ou FRU), qui ne leur servira probablement pas. Ce dernier, initialement prévu pour « peser » autour de 55 milliards d’euros à horizon 2023, devra plutôt atteindre les 70 à 75 milliards d’euros , en raison de la hausse des dépôts bancaires observées depuis la crise sanitaire.
« On ne comprend pas bien »
Pour des raisons très différentes, les « petits » pays européens mettent aussi le pied sur le frein : permettre un espace bancaire européen reviendrait à ne plus avoir la main sur les dépôts bancaires du pays, une perspective effrayante en cas de crise financière.
« On ne comprend pas bien si la position des banques françaises est seulement tactique ou si elle porte vraiment sur le fond », souligne Nicolas Véron, économiste à Bruegel (Bruxelles) et au Peterson Institute. « Malgré le coût du FRU, les banques françaises ont un intérêt stratégique à ce que l’Union bancaire soit complétée ».