L’exécutif hésite à mettre davantage à contribution les Français qui vont chez le médecin ou le pharmacien. Ces dernières semaines, le gouvernement a préparé les esprits à une hausse des franchises payées par les patients sur les médicaments et les consultations médicales, mais la mesure fait débat en interne, selon plusieurs sources.
Cette hausse a de nouveau été évoquée en début de semaine par les ministres devant des parlementaires, au cours d’un échange sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, sans que cela paraisse gravé dans le marbre. Une prudence qui a surpris les députés. « C’est toujours à l’instruction », avance l’un de ces élus, à une encablure de la présentation du texte mercredi prochain en Conseil des ministres.
Des interrogations
Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a, selon nos informations, encore défendu la mesure lors du Conseil des ministres ce mercredi. Sans susciter alors de commentaires. « Il tient bon sur la franchise et d’ailleurs ça se passe plutôt bien », soutient un de ses homologues. Et à ce stade, Matignon assure que la mesure est toujours d’actualité.
Mais si le gouvernement a mis l’idée en orbite il y a plusieurs semaines – non sans susciter, déjà, des interrogations auprès de compagnons de route d’Emmanuel Macron comme le patron du Modem, François Bayrou, ou encore l’ex-président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand – l’atmosphère s’est depuis encore alourdie du côté du pouvoir d’achat, avec une préoccupation croissante des Français sur le front des prix du carburant et une inquiétude qui ne retombe pas sur celui du panier alimentaire.
« C’est une des questions les plus sensibles des textes budgétaires », reconnaît un ténor de la majorité. La rentrée politique est aussi passée par là, avec l’offensive politique de Gérald Darmanin sur les classes populaires qui, comme d’autres, à l’instar d’Olivier Véran, alertent sur le pouvoir d’achat. Si tous les collègues du ministre de l’Intérieur n’ont pas applaudi la démarche, ils sont plusieurs à rejoindre l’analyse sur le fond. Et à réinterroger sous ce prisme les mesures envisagées. « Le pouvoir d’achat tétanise tout le monde », témoigne un ministre, partisan de tenir bon sur les franchises.
Eviter de charger la barque
« L’alourdissement des charges contraintes pesant sur les gens est vraiment surveillé. Quand on a une inflation alimentaire à 21 % en deux ans et le sujet de l’essence, il faut éviter de charger la barque », reconnaît un proche du chef de l’Etat. « On vient toucher ceux qui n’ont pas choisi d’être malades, avec une dépense qui est donc contrainte, et qui va tout particulièrement toucher les seniors aux petites retraites. Le président craint actuellement l’effet coagulation du cumul des signaux essence, prix du panier et médicament », avance un autre.
Cette hausse envisagée des franchises paraît cependant indispensable pour boucler le budget de la Sécurité sociale. En doublant à 2 euros la franchise acquittée lors d’un passage chez le médecin et à 1 euro, la somme facturée aux patients sur les boîtes de médicaments remboursées par l’Assurance Maladie, le gouvernement espère dégager entre 700 et 800 millions d’euros d’économies.
« Impôt sur les malades »
« Ce n’est rien d’autre qu’un impôt sur les malades », a fustigé Agnès Giannotti, la patronne du premier syndicat de généralistes à la fin du mois d’août, dénonçant aussi une mesure qui « va toucher de plein fouet les plus modestes ». Pour apaiser les inquiétudes, le gouvernement a insisté sur le fait qu’il ne relèverait pas le plafond, limitant à 50 euros par an la somme des franchises. Ainsi, les malades chroniques ne risqueraient pas de voir leur facture de soins exploser.
Il n’empêche, avec un doublement des franchises, « il y a beaucoup plus de gens qui vont arriver aux plafonds de 50 euros », alerte le patron de la Mutualité française, Eric Chenut, évoquant 8 millions de personnes déjà dans ce cas. « On ne dit pas qu’il n’y a pas un sujet sur le médicament », note le représentant des assureurs mutualistes. Cependant, des franchises plus élevées n’engageraient pas les Français à la modération. « Ce n’est pas [le patient] qui se prescrit ses médicaments », argue-t-il.