Exercice traditionnel, les prévisions financières à moyen terme de l’Unédic ce vendredi ont pris une tournure inédite : elles ont été publiées alors qu’on attendait de manière imminente la décision du Conseil d’Etat sur le référé suspension de la réforme de l’assurance-chômage demandé par les syndicats .
La plus haute juridiction administrative ayant rejeté le recours et en attendant un jugement sur le fond de la réforme, le redressement des comptes est spectaculaire. Le régime prévoit un léger excédent de 1,5 milliard en 2022, et de 2,3 milliards en 2023, contre une perte de 10 milliards cette année.
Outre les effets de la réforme de l’assurance-chômage, comptabilisés à hauteur de 1,9 milliard, ce redressement s’explique par l’amélioration « assez spectaculaire » de l’économie, et donc de l’emploi, et par l’extinction progressive des mesures d’urgences liées à la crise, activité partielle principalement, a expliqué le président (Medef) de l’Unédic, Eric Le Jaouen.
Recettes en forte hausse
« La résorption de la crise est plus rapide qu’anticipé », a abondé le directeur général de l’association, Christophe Valentie, pour qui l’Unédic renoue avec la trajectoire de retour dans le vert anticipée en février 2020, c’est-à-dire juste avant la crise du Covid. Les facteurs de risques – inflation, vaccination, consommation de l’épargne accumulée, environnement international… – restent nombreux. Pour autant, en l’état actuel des prévisions macroéconomiques, l’Unédic s’attend à une hausse de 500.000 du nombre d’emplois affiliés à l’assurance-chômage cette année, pour atteindre 19,9 millions en 2022 et 20 millions en 2023.
Cette hausse, combinée à celle des salaires et à la fin des manques à gagner liés aux mesures d’urgence, va se traduire mécaniquement par celle des recettes : 38,9 milliards attendus en 2021, contre 35,2 milliards cette année, puis 41,1 milliards et 42 milliards en 2022 et 2023 respectivement.
Endettement abyssal
Embellie de l’emploi, fin des mesures d’urgence et réforme de l’assurance-chômage (à compter de 2022) joueront aussi côté sorties d’argent. Fin 2021, l’Unédic table sur une baisse de 378.000 du nombre de chômeurs indemnisés, puis de 62.000 fin 2022 et de 45.000 fin 2023, pour atteindre environ 2,5 millions à cet horizon. Traduction en euros : les dépenses vont passer de 39 milliards en 2020, à 38,3 milliards, 33,6 milliards et 33,2 milliards les trois années suivantes.
S’il se confirme, le retour dans le vert du solde de l’Unédic en 2022 sera le premier depuis… 2008, et bien supérieur à celui sur lequel comptait l’Etat dans son projet de budget. Ombre au tableau, et de taille, il reste largement insuffisant pour envisager de résorber la dette du régime qui a explosé avec la crise. Elle est attendue à 64,7 milliards d’euros fin 2021.
« On pourrait tabler sur les excédents pour la rembourser mais cela nous mènera à 2055 », a averti Eric Le Jaouen. Pour la vice-présidente (CFDT) de l’Unédic, Patricia Ferrand, « l’amélioration économique ne signifie pas que la parenthèse de la crise est refermée comme si rien ne s’était passé. » Tout cela pousse, ont-ils ajouté, pour une concertation avec le gouvernement, le sujet de l’endettement étant lié à celui, plus global, de la gouvernance et du rôle du régime, alors que l’Etat en a pris de fait le contrôle partiel depuis l’élection d’Emmanuel Macron .
Cette concertation reste inscrite à l’agenda social défini par le Premier ministre, Jean Castex, mais elle n’a toujours pas démarré.