S’agit-il d’une inversion de la courbe dans le mauvais sens ? Pour la première fois en un an, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) s’est très légèrement accru en avril : il a atteint 3,179 millions sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte), soit une progression de 0,3 % en un mois, selon les statistiques diffusées mercredi 25 mai par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) au ministère du travail.
Cette variation doit être commentée avec prudence, d’abord parce qu’elle porte sur des données mensuelles qui sont très volatiles et, ensuite, malaisées à interpréter – la Dares recommandant de privilégier les chiffres trimestriels pour se livrer à des analyses. En outre, l’évolution tient de l’épaisseur du trait.
Mais elle retient l’attention, dans un contexte de croissance nulle entre début janvier et fin mars, d’après les premières estimations de l’Insee. Plusieurs phénomènes ont joué : invasion de l’Ukraine, qui accentue les tensions préexistantes sur les prix de l’énergie et plusieurs matières premières, gel de l’activité de nombreuses entreprises en Chine pour contrer le redémarrage de l’épidémie de Covid-19, recul de la consommation en mars dans l’Hexagone, etc.
« Ménages et entreprises très prudents »
La – toute petite – augmentation du nombre de demandeurs d’emploi observée en avril survient donc à un moment où l’économie mondiale traverse une zone de fortes turbulences. « Sur les dernières années, on a déjà connu des petits hoquets à la hausse de ce type, commente Gilbert Cette, professeur à la Neoma Business School. A ce stade, cela ne peut pas être lu comme un retournement structurel. » Cependant, enchaîne-t-il, « il ne serait pas étonnant que les créations d’emploi et la baisse du chômage connaissent un coup d’arrêt ». « L’incertitude actuelle risque de rendre les ménages et les entreprises très prudents », juge-t-il.
Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), formule un pronostic un peu plus tranché. « Il est probable que l’on soit dans un début de retournement de marché du travail au regard de l’évolution de l’activité, dit-il. Il ne serait pas surprenant d’enregistrer une hausse du chômage dans les trimestres à venir. »
Pour l’heure, le marché de l’emploi résiste. En avril, le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) s’est accru de 0,3 %, alors qu’il avait reflué de 0,6 % en mars, selon l’Urssaf. Les patrons continuent d’enrôler de la main-d’œuvre, à des niveaux plus élevés que ceux qui prévalaient juste avant le début de la crise sanitaire (+ 8,9 % par rapport à février 2020).
Le gouvernement, lui, maintient son aide pour éviter que les recrutements piquent du nez. Ainsi, les primes exceptionnelles allouées aux entreprises qui font appel à des alternants (contrats d’apprentissage et de professionnalisation) vont être prolongées « au moins jusqu’à la fin de l’année », a indiqué, mardi, le nouveau ministre du travail, Olivier Dussopt. Cet arbitrage est important, car il concerne un dispositif mis en place à la mi-2020, qui a très largement contribué au dynamisme de l’emploi sur la période récente.