Trois ans d’amélioration effacés en… trois mois par le coronavirus ! Les effectifs salariés dans le secteur privé ont reculé de 453.800 à la fin mars 2020 par rapport à la fin 2019, pour se situer à un peu moins de 19,3 millions, selon des chiffres encore provisoires publiés ce jeudi matin par l’Insee. Il s’agit du niveau le plus bas depuis le troisième trimestre 2017, souligne l’institut statistique. Hors intérim, le nombre d’emplois a chuté de 162.000.
Premier impacté, le travail temporaire paye un lourd tribut à l’épidémie de Covid-19. Sitôt le confinement annoncé, Prism’emploi, la fédération professionnelle du secteur, avait constaté quasiment du jour au lendemain un arrêt des trois quarts des missions en moyenne . L’Insee apporte ses précisions : le secteur a perdu près de 292.000 emplois sur le premier trimestre, soit une chute vertigineuse de 37 %. C’est la plus forte baisse depuis 1990. Elle ramène les effectifs à leur plus bas niveau depuis mi-2009.
L’intérim en panne
« La situation n’a pas réellement évolué depuis le confinement », constate la déléguée générale de Prism’emploi, Isabelle Eynaud-Chevalier. Signe que la crise actuelle est inédite par son ampleur, au plus fort de la crise financière, l’emploi intérimaire n’avait baissé que de 13,9 % au quatrième trimestre 2008, puis de 13,0 % au premier trimestre 2009.
La fédération ne dispose pas de statistiques détaillées sur le sort des intérimaires mais elle estime que la plupart de ceux dont la mission était de courte durée ont basculé vers Pôle emploi, ce qui explique la forte hausse du chômage . Les autres bénéficient de la couverture par l’activité partielle, notamment les 40.000 d’entre eux en CDI intérimaire, assure-t-elle.
Hors intérim, les plus forts reculs de l’emploi se retrouvent sans surprise dans les services marchands : −1,3 % après +0,6 % le trimestre précédent, soit 146.100 postes de moins. Cette baisse annule les hausses observées depuis trois trimestres et les effectifs retrouvent leurs niveaux de l’année précédente, précise l’Insee.
Fortes évolutions
Les effets de l’épidémie sont moins marqués dans l’industrie où l’emploi, toujours hors intérim, après trois trimestres de quasi-stabilité, a baissé modérément (-0,3 % ou -10.000 postes). Il s’agit toutefois de la première baisse depuis début 2017. De manière surprenante, les effets sont même quasi nuls dans la construction où l’emploi affiche un treizième trimestre en hausse (+0,4 %, +5.700). A ce tableau s’ajoute l’emploi privé dans les services non marchands, en baisse sur le trimestre de −0,4 % soit −10.000.
Compte tenu de l’ampleur des évolutions constatées, les révisions sont susceptibles d’être plus importantes qu’habituellement lors de la publication des chiffres définitifs, le 11 juin prochain, prévient l’Insee.
En l’état actuel des choses, ces près de 454.000 emplois détruits ne sont pas de bon augure pour le chômage. En mars, Pôle emploi a comptabilisé 180.000 personnes de plus dans les trois grandes catégories de demandeurs d’emploi, A (sans activité), B ou C (activité réduite). La différence très importante entre les deux chiffres laisse à penser que nombre de personnes qui ont perdu leur emploi depuis le 1er janvier, quasiment exclusivement après une fin de mission d’intérim ou de CDD, ne se sont pas encore inscrits auprès de l’opérateur public, mais qu’ils le feront en avril. « Cela pourrait être la principale raison de l’écart », estime Sylvain Larrieu, chef de la division synthèse et conjoncture du marché du travail de l’Insee.
Une autre raison tient peut-être au fait que certaines personnes ne peuvent pas s’inscrire, faute d’avoir suffisamment travaillé pour ouvrir des droits. Ou elles ne le veulent pas parce qu’elles cherchent du travail dans un secteur fermé, restauration par exemple, et attendent qu’il rouvre pour cela.