A contre-courant du discours des courtiers qui affirmaient que le marché du crédit immobilier était en panne, du fait du taux d’usure, les banques ont multiplié les prêts depuis le début de l’année. D’après les premiers résultats semestriels publiés, cette activité a tiré vers le haut les bénéfices de BNP Paribas, du Crédit Mutuel ainsi que de La Banque Postale. Mais toutes trois s’attendent à une période plus complexe dès la rentrée.
Ainsi, chez BNP Paribas, qui a publié ses résultats, les encours de crédit ont augmenté de 4,5 % sur un an, tirés notamment par l’activité de crédit immobilier. Signe de la forte dynamique, la banque a vu ses revenus d’intérêt bondir de 6,9 %, « avec la progression de l’activité de crédit et l’impact de l’environnement de taux et de marché », précise le groupe dans son communiqué. Au total, les revenus de la banque de détail en France ont grimpé de 7,6 %, contribuant en partie aux bénéfices records de BNP Paribas au deuxième trimestre.
Même constat chez Crédit Mutuel, qui signe un semestre historique, selon les mots de son président, Nicolas Théry, lors duquel la machine du crédit immobilier a tourné à plein. La banque a enregistré une croissance de 9,5 % de ses encours de crédit, à 248 milliards d’euros. Par comparaison, le taux de croissance moyen de l’encours de crédit à l’habitat en France est d’un peu plus de 6 %, selon les chiffres de la Banque de France.
Urgence
Mais le phénomène est encore plus marqué à La Banque Postale. La filiale de La Poste a vu sa production de crédit immobilier bondir de 21 % par rapport à l’an dernier, à 6,6 milliards d’euros. Un rythme inédit, là aussi bien supérieur au reste du marché. Pour son patron, Philippe Heim, cela s’explique par une forme de ruée vers le crédit de la part des ménages qui ont bien compris que l’environnement de taux était en train de basculer et que les conditions d’emprunts se dégradaient.
Une urgence partagée par les banquiers. Ces derniers ont eux aussi pris conscience qu’il valait mieux conquérir un maximum de clients avant que le contexte ne se durcisse vraiment. Le reste de l’année risque en effet d’être beaucoup moins bon, préviennent d’ailleurs les banques.
En cause, « la pression » du taux d’usure, qui se fait de « de plus en plus aiguë », a expliqué Daniel Baal, le directeur général du Crédit Mutuel. Ce seuil maximum auquel peuvent prêter les banques remonte en effet beaucoup plus lentement que les taux du crédit. Ce qui risque de bloquer un certain nombre de dossiers à partir de la rentrée, a prévenu le groupe mutualiste.
Compression des marges
A La Banque Postale, on alerte sur un possible mouvement de compression des marges à court terme. Car l’élasticité est faible dans le crédit immobilier : difficile de faire passer des hausses de taux comme cela aux clients. D’autant plus que la concurrence reste très forte entre les banques sur ce marché, les clients n’hésitant pas à aller voir la plus offrante, surtout en période de remontée des taux.
D’ailleurs, BNP Paribas se dit pour sa part « déterminée à soutenir [ses] clients et à fournir ce dont ils ont besoin », comme l’a expliqué le directeur financier, Lars Machenil, lors de la conférence de presse de vendredi. « C’est ce que nous avons fait au cours du deuxième trimestre : nous avons répondu à la demande de nos clients », a-t-il ajouté.
Quoi qu’il en soit, si le marché ralentit effectivement dans la deuxième partie de l’année, cela donnera enfin raison aux courtiers qui ne cessent d’alerter sur l’effet ciseaux du taux d’usure. Sauf qu’encore aujourd’hui, ni les chiffres des banques, ni ceux de la Banque de France n’ont laissé entrevoir ce ralentissement.