Crédit immobilier: les solutions pour emprunter après 55 ans

Malgré la réforme de l'assurance emprunteur, l'accès au crédit se complique avec l'âge. La marche à suivre pour obtenir votre prêt et abaisser son coût.


Les banquiers n’ont plus rien contre les plus de 55 ans

Les seniors, avec des revenus stables et peu de charges de famille, sont des emprunteurs rassurants pour les banques. Celles-ci se montrent donc conciliantes: un crédit immobilier peut durer jusqu’à leurs 75 ans, voire 80 ans. “Les banques appliquent aux seniors des taux d’intérêt en général légèrement supérieurs à ceux des jeunes, une cible d’avenir qu’elles se disputent”, précise Maël Bernier, porte-parole du courtier en crédit Meilleurtaux.com.

Pour estimer votre capacité de remboursement, si vous approchez de la retraite, les banques regardent vos revenus d’activité, mais aussi le niveau de votre future pension. Les prêts “à paliers” sont bien adaptés aux futurs retraités. Ces crédits prévoient une baisse de la mensualité à l’âge auquel vous pensez cesser votre activité, pour tenir compte de la chute probable de revenus.

L’assurance du prêt est onéreuse

Pour garantir le remboursement du prêt en cas de décès, invalidité ou incapacité de travail, vous devez souscrire une assurance emprunteur. Les banques l’exigent. La prime d’assurance est calculée selon votre âge, que vous êtes ou non fumeur, et votre état de santé, déterminé grâce à un questionnaire et des examens médicaux (plus ou moins importants suivant le montant emprunté). Elle est donc plus élevée pour les emprunteurs les plus âgés, avec des surprimes en cas de soucis de santé. Elle est parfois refusée (et le crédit avec elle) si l’assureur juge l’état de santé trop préoccupant. Toutefois, si vous êtes à la retraite ou y serez bientôt, la banque peut accepter que vous ne souscriviez qu’une assurance en cas de décès, et non en cas d’invalidité ou d’incapacité de travail. La prime est alors un peu moins importante.

Jouez l’honnêteté

Même si l’assureur ne s’en aperçoit pas lors de la souscription de l’assurance emprunteur, il mènera probablement l’enquête en cas de maladie ou de décès. S’il découvre que vous avez triché (en dissimulant le fait que vous étiez fumeur, par exemple), il a le droit de refuser de prendre en charge le remboursement du prêt, sans pour autant devoir rembourser les primes d’assurance déjà versées. Elles auront été payées pour rien.

État de santé: de nouvelles règles

La réforme entrée en vigueur le 1er juin 2022 (pour les nouveaux prêts) offre une échappatoire si vous êtes encore quinquagénaire: elle autorise à emprunter sans questionnaire de santé jusqu’à 200 000 € par personne… si le crédit est remboursé avant 60 ans. Mais l’assureur qui n’a pas pu évaluer votre état de santé réel fixe son tarif en tenant compte du risque d’avoir une mauvaise surprise. L’assurance sera donc facilement accordée, mais chèrement payée. “Certains emprunteurs en pleine forme préfèrent allonger leur prêt jusqu’à 61ans, quitte à remplir le formulaire santé, pour que la prime soit calculée selon leur profil réel et soit donc plus attractive”, observe Sandrine Allonier, directrice de la communication du courtier en crédit Vousfinancer.com.

Depuis le 1er juin 2022, dans un questionnaire de santé, vous avez aussi le droit de passer sous silence, sans que cela puisse être invoqué plus tard contre vous, un cancer en rémission depuis cinq ans (à compter de la fin du traitement et sans rechute) ou une hépatite C. Auparavant, le délai était de dix ans. Mais ce droit à l’oubli s’applique seulement si le crédit assuré ne dépasse pas 320 000€ et s’il est remboursé avant vos 71 ans.

La remontée des taux d’intérêt bloque les prêts

Aujourd’hui, pourtant, c’est pour une autre raison que les banques refusent de très nombreux prêts demandés par les seniors: elles ne peuvent pas répercuter comme elles le voudraient la très forte hausse des taux d’intérêt sur les marchés financiers. Elles financent ces crédits à perte, et ne souhaitent donc pas les accorder.

En effet, en France, un crédit ne peut pas dépasser le taux de l’usure: un taux maximum fixé par la Banque de France pour protéger des abus les emprunteurs les plus vulnérables, qui pourraient être prêts à payer n’importe quel prix pour emprunter. Ce taux de l’usure est calculé d’après les taux des prêts accordés le trimestre précédent: il est donc bas aujourd’hui car il n’a pas intégré la remontée des taux. Au 1er juillet 2022, pour un crédit immobilier de moins de vingt ans, il s’établissait à 2,60%.

Cela signifie que le TAEG (taux annuel effectif global) d’un crédit immobilier doit être inférieur à ce taux pour pouvoir être accordé. Or, le TAEG comprend tout ce qui fait le coût d’un crédit: le taux de base du prêt (taux nominal), l’assurance emprunteur, les frais de dossier, les frais de garantie (caution crédit logement ou hypothèque), les frais éventuels du courtier. 

Comme les seniors paient leur assurance plus cher, leur TAEG est presque toujours supérieur au taux de l’usure. “Par exemple, si un fumeur de 60 ans veut emprunter sur moins de dix ans, il peut obtenir un prêt au taux nominal de 1,25%, mais son TAEG avoisinera 3,35% avec l’assurance et les frais”, chiffre Maël Bernier. Il dépasse donc le taux de l’usure.

Quelles solutions pour emprunter quand même?

Vous devez essayer d’obtenir le meilleur taux possible pour tenter de maintenir le TAEG de votre crédit en dessous du taux de l’usure. Pour cela, il faut montrer à la banque que vous serez un client intéressant, par exemple, en proposant de rapatrier chez elle l’épargne détenue ailleurs. L’idéal est de réduire au maximum le coût de l’assurance emprunteur, en faisant jouer la concurrence entre plusieurs assureurs et en vous limitant à la garantie décès.

La seule issue est parfois de se passer d’assurance emprunteur. Mais en cas de décès, vos héritiers seront contraints de rembourser à votre place. Et la banque exige alors d’autres garanties, comme un contrat d’assurance-vie, d’un montant au moins équivalent au crédit demandé. Elle pourra le nantir à son profit, et vous ne pourrez plus faire de retraits sans son accord. “Le contrat d’assurance-vie doit impérativement avoir été souscrit dans la banque qui consent le prêt”, rappelle Sandrine Allonier.

Une dernière solution est de prendre son mal en patience. Même si les banques accordent aujourd’hui peu de crédits, elles en distribuent quelques-uns dont les taux sont plus élevés qu’auparavant. Cela se répercutera progressivement sur le taux de l’usure, qui remontera au fil des trimestres. Une réforme de la réglementation pourrait aussi intervenir pour régler le problème.

Et les crédits à la consommation?

Pour eux, l’assurance n’est pas obligatoire et le taux de l’usure est nettement plus élevé (4,93% en juin 2022 pour un crédit de plus de 6000 €). Les seniors les obtiennent donc plus facilement.


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