Combien de Français ont-ils télétravaillé avec un enfant sur les genoux l’année dernière ? L’épidémie de Covid a remis sous les projecteurs la délicate conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, au point que quatre ministres ont missionné sur le sujet en avril l’universitaire Julien Damon (E3NS) et la dirigeante d’entreprise Christel Heydemann (Schneider Electric). Remis ce mercredi au gouvernement, leur rapport propose de réformer les congés familiaux et de réorganiser l’offre de services aux familles pour les trois premières années de l’enfant.
Les rapporteurs considèrent notamment que le congé parental doit être raccourci et mieux indemnisé. Ce dernier est en panne depuis quelques années. La gauche l’a « partagé » entre les deux conjoints en vue de favoriser l’égalité hommes-femmes, ce qui s’est de fait traduit par des économies sur la prestation plutôt que par un recours accru des pères. La baisse de la natalité et l’augmentation de l’offre en crèche ont accentué ce phénomène. Il n’y avait plus que 265.000 bénéficiaires en 2019, moitié moins qu’en 2012.
Un plébiscite pour la garde par les parents
Pourtant, jusqu’au premier anniversaire de l’enfant, les allocataires plébiscitent la garde par les parents par rapport aux autres modes de garde : à 86 % jusqu’à 6 mois, à 47 % entre 6 mois et un an, selon un sondage réalisé par la Caisse nationale d’allocations familiales en 2019. En revanche, dans la deuxième année, ils préfèrent la crèche à 41 % et ne sont plus que 26 % à vouloir garder eux-mêmes leur enfant. Julien Damon et Christel Heydemann en tirent les conséquences dans leurs propositions.
Le congé parental pourrait ainsi être réduit à six mois par parent, dans la première année de l’enfant. Ce serait une mesure égalitaire et cela permettrait de revaloriser la prestation, aujourd’hui forfaitaire et peu incitative (400 euros par mois maximum). La rémunération pourrait devenir proportionnelle au salaire antérieur, avec un plafonnement toutefois. Elle suivrait en outre l’évolution des salaires, comme le recommande le Haut conseil de la famille .
« Faut-il aller jusqu’à la hauteur des indemnités journalières maternité et paternité (qui sont les mêmes) ? » interrogent les auteurs, en pointant un impact financier qui « peut être considérable ». On s’inscrirait en tout cas dans la continuité de la réforme du congé paternité, entrée en vigueur en juillet . Il n’y aurait plus de durée différenciée selon le rang de l’enfant.
Une offre d’accueil publique ou conventionnée suffisante
L’année suivante, les parents seraient libres de prolonger leur congé parental, mais avec une indemnisation forfaitaire moins avantageuse. Car passé un an, la mission considère que la priorité devient le déploiement d’« une offre d’accueil publique ou conventionnée suffisante ». Elle serait garantie par un « droit opposable », à mettre en parallèle avec le droit opposable à la scolarisation.
Si la capacité d’accueil « formel » s’est accrue sur le long terme (couvrant 59 % des moins de trois ans en 2018 contre 46 % en 2005), un quart des parents aujourd’hui n’ont pas accès au mode de garde désiré. De plus, ces dernières années, le nombre d’heures d’accueil a diminué.
Créer un « service public de la petite enfance » n’a rien d’une chimère, selon les auteurs, qui proposent d’y arriver pas à pas, en instaurant ce droit d’abord entre 2 et 3 ans, puis à partir de 1 an. Cela suppose de former plus d’éducateurs et d’auxiliaires. Du côté des bénéficiaires, il faudrait aussi étendre aux chômeurs les aides à la garde d’enfant aujourd’hui ciblées sur les foyers monoparentaux.
Vers un congé familial à tiroirs
Les entreprises qui peinent aujourd’hui à recruter ont tout à y gagner. « La garde des jeunes enfants constitue l’un des freins à la reprise d’une activité, concernant quelque 150.000 demandeurs d’emploi », soulignent les rapporteurs. Selon eux, la politique familiale devrait « moins insister sur les prestations monétaires et davantage sur les services à fournir ».
A long terme, les rapporteurs conseillent de fusionner l’ensemble des congés familiaux pour une naissance, un mariage, un décès, l’éducation, la garde d’enfant ou l’aide d’un proche dépendant. Les règles d’indemnisation et les interlocuteurs varient trop et sont illisibles pour les assurés et les employeurs. A la place, « un congé familial à tiroirs » verrait le jour : guichet unique, régime de gestion unifié, puis choix d’un seul opérateur – plutôt la branche famille que la branche maladie de la Sécurité sociale.