Trente-deux ans qu’ils attendaient cela. Les syndicats de la fonction publique hospitalière ont enfin l’occasion d’obtenir une revalorisation des salaires et des conditions de travail à travers une négociation globale, dans le cadre du Ségur de la santé . « La dernière fois, c’était en 1988. Tout ce qu’on peut gratter maintenant, il faut le faire ! », s’exclame Eve Rescanières, secrétaire générale de la CFDT Santé sociaux, troisième organisation représentative (24 %), derrière la CGT (32 %) et Force ouvrière (25 %).
Cette négociation centrée sur l’hôpital public, où le patronat sera représenté via la Fédération hospitalière de France, va donner lieu à une première multilatérale ce vendredi. Le Ségur de la santé, lancé le 25 mai par le Premier ministre, a débuté comme une concertation , autour de quatre piliers -ressources humaines, investissement, simplification et territoires- avec 300 participants issus d’associations, de syndicats, de collectifs.
Pour discuter des rémunérations des personnels non-médicaux , ce n’est plus une concertation, mais une négociation classique. Le gouvernement peut cependant se passer d’un accord majoritaire ; il lui suffit d’un décret pour augmenter les salaires. A la clé, plusieurs milliards d’euros de dépenses annuelles en rythme de croisière, probablement, selon nos informations, avec une première marche conséquente dès cette année, et un étalement sur plusieurs années. Quant aux praticiens hospitaliers, qui ne sont pas des fonctionnaires stricto sensu, ils font l’objet d’une négociation séparée, avec leurs syndicats professionnels.
La revendication des 300 euros
Les collectifs inter-urgences, inter-hospitalier et inter-blocs n’ont pas été conviés dans le groupe de travail des personnels non médicaux, ce qui a d’ailleurs provoqué un retrait des discussions du syndicat Sud. Mais nul ne peut plus ignorer leur revendication, martelée depuis un an, d’une augmentation de 300 euros par mois des salaires des infirmiers, aides-soignants ou agents de services hospitaliers – elle sera certainement scandée lors de la manifestation du 16 juin. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, n’a pas précisé si ce chiffre correspondait à sa promesse de rattraper la moyenne européenne.
Les négociateurs ne sont pas sourds à cette réclamation, et tentent ensemble de trouver ce que Patrick Bourdillon, à la CGT, nomme « un plus petit dénominateur commun », afin de répondre à l’urgence sociale : « Il faut 300 euros net minimum dès le mois prochain, en augmentant de 85 points la grille de la fonction publique hospitalière », clame-t-il. Cela permettrait de rattraper le pouvoir d’achat perdu, après des années de glissade. Mais ensuite, il faudra aller plus loin « pour mieux valoriser ces métiers à prédominance féminine ».
Changement de catégorie
Chez FO aussi, Didier Birig revendique 300 euros pour tous immédiatement, puis l’ouverture de travaux ultérieurs pour revoir la grille indiciaire. « D’un côté, il faut une réponse urgente, de l’autre, il n’y aura plus d’autre négociation hospitalière avant dix ans, alors soyons à la hauteur au lieu de faire ça à la hussarde », professe-t-il. En 2010, une « sous-catégorie A » a été créée pour les infirmières, « mais on veut une vraie catégorie A, avec la même grille que les enseignants », explique-t-il. Force ouvrière veut également permettre aux techniciens de laboratoire de monter de catégorie B à A, et aux aides soignants de passer de C à B « car c’est le métier-pivot dans les Ehpad, mais on n’arrive plus à susciter des vocations ».
Si elle espère trouver « des revendications partagées » avec les autres syndicats, la CFDT préférerait dès le départ une proposition différenciée selon les métiers. « Il faut que les agents de services hospitaliers touchent tout de suite plus de 300 euros, car ils sont en-dessous du SMIC, et ne le rattrapent que par le biais d’une indemnité différentielle. On ne veut pas de grilles qui démarrent à moins de 110 % du SMIC », demande Eve Rescanières.
La CFDT souhaite majorer de 25 % les salaires les plus bas. Cela comblerait selon elle l’écart de salaire entre un boucher et une aide-soignante, qui ont tous les deux un niveau CAP – mais le métier de l’un est plutôt exercé par des hommes, et celui de l’autre par des femmes. Par la suite, ajoute Eve Rescanières, « il faudra refondre le régime indemnitaire, qui n’a pas été revu depuis 1953 », sachant que l’heure de travail de nuit n’est majorée que de 1,07 euro. Un programme qu’il sera difficile d’expédier d’ici la fin du Ségur, dans un mois.