Impôt minimum mondial : le coup de pression des entreprises françaises

L'application d'un taux effectif d'imposition de 15 % dans les pays où sont implantées les multinationales va entraîner des bouleversements en matière de déclarations fiscales. Une trentaine d'entreprises françaises et les organisations patronales ont interpellé l'OCDE.


La Defense, the business district of Paris during the blue hour. D2 tower, Courbevoie, Puteaux, Nanterre, Paris, France

L’heure de la mobilisation a sonné. Alors que l’impôt minimum mondial (*) doit entrer en vigueur à partir de 2024, les entreprises françaises montent au front. Selon les documents vus par « Les Echos », pas moins d’une trentaine de fleurons tricolores ont interpellé les responsables de l’OCDE en charge du pilotage de cette réforme historique de la fiscalité. A eux seuls, ils représentent un tiers du panel de sociétés internationales ayant répondu à la consultation lancée par l’OCDE sur un point très sensible : le contenu des futures déclarations fiscales.

Parmi ces entreprises figurent de nombreux poids lourds du CAC 40 (Danone, Vivendi, Carrefour, LVMH, BNP Paribas, Publicis…), mais aussi la SNCF, Tarkett, Burelle SA et d’autres groupes dont le chiffre d’affaires consolidé peut dépasser 750 millions de dollars. Pour mémoire, c’est ce niveau de revenus qui détermine quelle entreprise entre dans le champ de la réforme, c’est-à-dire quelle entreprise devra s’acquitter d’un impôt effectif minimum de 15 % dans chaque pays où elle est implantée (là où, parfois, l’impôt effectif est nul ou symbolique).

Données économiques sensibles

Que disent tous ces acteurs, auxquels se sont joints le Medef, l’Association française des entreprises privées (Afep) ou la Fédération bancaire française ? S’ils affirment en préambule qu’ils sont favorables à l’instauration de l’impôt minimum mondial, ils s’alarment de la quantité et du type d’informations qui devront être fournies dans les déclarations envoyées aux administrations. Ils expriment aussi leurs « vives inquiétudes » quant à la protection des données économiques sensibles.

« Le volume des informations recensées dans le cadre de la [déclaration] apparaît disproportionné au regard du ratio investissement des sociétés/risque de sous-imposition », peut-on lire dans le courrier de la SNCF. Il attire l’attention sur l’alourdissement de la charge administrative pour les sociétés et leurs filiales, ainsi que sur l’importance des ressources à mobiliser.

Concrètement, les groupes bataillent pour alléger les contraintes de « reporting ». Ils estiment en particulier que s’ils paient déjà plus de 15 % d’impôt dans un pays, ils ne devraient pas être obligés de se livrer à des calculs nouveaux pour fournir des données sur chaque entité juridique et sur l’activité consolidée dans ce pays. A leurs yeux, cet exercice ne se justifie que s’il y a bien un impôt nouveau à payer ou une probabilité « raisonnable » que cela soit le cas. Autrement, ils rappellent que l’administration peut toujours faire un contrôle.

140 pays signataires

Sur le sujet des données économiques sensibles, les acteurs voudraient beaucoup plus de garanties. « Nous demandons que seules des informations générales soient partagées avec des juridictions qui ne sont pas habilitées à collecter l’impôt supplémentaire », plaide ainsi le courrier du Medef. « Une juridiction ne devrait en aucun cas avoir accès aux détails des entités dans d’autres juridictions, si elle n’est pas vouée à collecter l’impôt supplémentaire. »

Le projet actuel crispe les entreprises car n’importe lequel des 140 pays signataires de l’accord sur l’impôt minimum mondial peut en théorie leur réclamer des informations. « Lorsqu’un groupe français est le seul concurrent des acteurs locaux sur un marché, fournir des données sur son activité est loin d’être neutre », explique un fiscaliste. « Certains Etats n’offrent pas les garanties que l’on peut avoir avec l’administration française : que feront-ils avec les informations sensibles transmises ? » Les regards se tournent notamment vers la Chine.

Consultation générale le 16 mars

Les équipes de l’OCDE chargées des travaux techniques aborderont ces points lors d’une consultation générale le 16 mars. Les détails pratiques de la réforme pourraient être bouclés dans les prochaines semaines. Ce qui permet à l’OCDE d’afficher son optimisme : elle estime que d’ici à 2025, 90 % des multinationales dégageant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions de dollars seront assujetties à l’impôt minimum mondial.

Pour l’Europe, la prochaine étape décisive sera la transposition dans le droit national de la directive votée en décembre dernier . La France envisage un projet de loi spécifique, qui devrait être présenté avant l’été. La question de l’harmonisation entre les Vingt-Sept sera cruciale.

(*) Le mécanisme de l’impôt minimum mondial vise à collecter les recettes fiscales « manquantes » rendues possibles par des implantations dans des pays à faible imposition. Ainsi, une firme française, dont la filiale paie 2 % de taux effectif dans un pays étranger, devra s’acquitter des 13 % qui manquent (l’écart par rapport au taux mondial de 15 %).


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