C’est un réflexe pavlovien qu’aucune statistique ne semble pouvoir enrayer. Paniqués par l’impact grandissant de l’épidémie de coronavirus sur les grandes économies et la brutale chute du prix du pétrole, les traders de la planète ont cédé leurs actions lundi sur tous les marchés et se sont rués sur le yen qu’ils continuent de percevoir comme une valeur refuge. En fin de journée à Tokyo, la devise nippone s’était appréciée de près de 3% face au dollar pour se retrouver, un instant, à son plus haut niveau depuis novembre 2016. Un billet vert ne valait ainsi plus que 101,5 yens.
Dégradation de la conjoncture
Les investisseurs n’ont tenu aucunement compte de l’annonce d’une nouvelle dégradation de la conjoncture nippone. Dans la matinée, Tokyo avait pourtant annoncé que la contraction de son PIB avait atteint 7,1% en glissement annualisé sur le dernier trimestre de 2019. Dans une précédente estimation, le gouvernement avait évoqué un recul de 6,3%. Pointant, le brutal ralentissement de l’activité et de la consommation sur les premiers mois de 2020, les analystes estiment la troisième économie mondiale est déjà en récession.
Tokyo, qui avait usé depuis la fin 2012 d’une efficace dépréciation de sa monnaie pour soutenir sa croissance, vit très mal ce soudain rebond du yen. Il va peser sur les exports de ses industriels et surtout mathématiquement réduire la taille des profits rapatriés de l’étranger par ses entreprises. En fin de journée, les autorités politiques et monétaires ont organisé une réunion d’urgence et promis de réagir. ‘Nous allons prendre sans hésitation toutes les actions appropriées en gardant un oeil sur l’impact de la propagation du coronavirus’, a insisté Haruhiko Kuroda, le gouverneur de la Banque du Japon (BoJ).
Les outils de la BoJ
Ces prises de parole n’impressionnent toutefois plus personne. ‘La BoJ ne dispose plus que d’un espace limité pour assouplir encore sa politique monétaire’, note Harumi Taguchi d’IHS Markit. Pour contenir sa devise, tenter de générer de l’inflation et encourager l’activité, la banque centrale a déjà mis la main sur près de la moitié des obligations d’Etat japonaises et près de 80% des les fonds indiciels cotés (ETF) du pays. Elle applique aussi déjà un taux négatif de 0,1% sur les dépôts des banques qui déprime les établissements financiers.
Alors que la BoJ semble manquer d’outils, Tokyo pourrait éventuellement se tourner vers son gigantesque Fonds de réserve japonais des régimes de retraites publiques , le GPIF, pour tenter de retenir sa devise. Le Fonds pouvant céder du yen en achetant les obligations souveraines d’autres Etats. Ces dernières années, le pays a déjà usé de cette technique plutôt discrète qui évite d’ulcérer ses partenaires économiques également en difficulté.