Action de groupe anti-discrimination : la loi jugée inapplicable pour l’instant

Le tribunal judiciaire de Paris a débouté la CGT qui avait engagé la première action de groupe anti-discrimination contre Safran au motif d'une « inapplicabilité » de la loi de 2016 sur la justice du XXIe siècle, les faits reprochés étant largement antérieurs. Le syndicat va faire appel.


« Faute d’applicabilité de la loi invoquée, les syndicats CGT seront en conséquence déboutés de l’ensemble de leurs demandes. » La première décision de justice civile, mardi, sur une action de groupe anti-discrimination au travail était très attendue et elle n’a pas fait pas dans la demi-mesure. Elle considère de fait que l’entrée en vigueur concrète de l’action de groupe anti-discrimination instaurée par la loi sur la justice du XXIe siècle de 2016 ne pourrait être effective avant plusieurs années.

Arme judiciaire

Le feuilleton a démarré en mai 2017. Après l’échec de la phase de négociation, la CGT a assigné en justice une filiale de Safran, Safran Aircraft Engines, pour discrimination syndicale systémique en s’appuyant sur le cas d’une trentaine de ses représentants du personnel ; une accusation contestée par l’entreprise.

Le juge de première instance a dit mardi qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments pour permettre à l’action en justice de prospérer, car « quasiment aucun des faits ou manquements argués de générateurs […] n’est postérieur à la […] date d’application de la loi » et que « les quelques éléments postérieurs […] sont très largement insuffisants pour objectiver dans le temps une quelconque tendance révélatrice ».

Rendez-vous dans dix ans ?

La décision pointe la brièveté de la période pouvant être prise en compte : seize mois entre la promulgation de la loi en novembre 2016 et l’assignation. Il a suivi l’avocat de Safran , Pierre Safar, du cabinet Dupuy et associés, qui a plaidé l’inapplicabilité. « Il faut quand même un temps suffisant ; si on me demandait mon avis, moins de dix ans, pas sûr que ce soit pertinent », hormis sur les discriminations à l’embauche, a insisté ce dernier à l’audience.

La CGT a clairement perdu là une bataille dans laquelle elle avait reçu l’ appui du Défenseur des droits qui a conclu à « une discrimination directe, indirecte, par injonction, dont le cumul crée une discrimination collective et systémique »« Pour l’entreprise, cela confirme l’absence de discrimination, renforce la pertinence des outils qu’elle a installés en interne pour lutter contre les discriminations et confirme qu’elle raisonne en termes de performance », souligne Pierre Safar aux « Echos ».

La décision « refuse d’apprécier la discrimination comme un manquement continu qui a, certes commencé avant son entrée en vigueur mais perdure à ce jour, ce qui aboutit à priver la loi d’effet utile. En outre, elle n’analyse pas les processus discriminatoires collectifs », déplore Clara Gandin, du cabinet Boussard-Verrecchia et associés, une des avocates de la CGT.

Une autre assignation

Alors, comme dit la chanson, rendez-vous dans dix ans pour que la loi soit applicable ? Pas sûr. La guerre juridique ne fait que commencer avec ce premier jugement. D’une part, la CGT va faire appel ; d’autre part, elle a lancé une autre assignation contre la Caisse d’épargne d’Ile-de-France pour discrimination systémique des femmes le 7 octobre 2020 , soit près de quatre ans cette fois-ci après la promulgation de la loi.

Dans une récente interview aux « Echos » , la Défenseure des droits soulignait l’ « avancée » que constitue l’action de groupe anti-discrimination, mais elle évoquait aussi la nécessité de la réformer. « On voit d’ores et déjà qu’il est nécessaire de prendre des mesures pour améliorer l’efficacité du dispositif », affirmait Claire Hédon, évoquant notamment « le champ de la réparation du préjudice […] trop limité ».


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