La réforme d’Action Logement voulue par le gouvernement constitue décidément un dossier sensible. Inquiète d’un possible « démantèlement d’un pilier du logement social », la commission des Affaires économiques du Sénat avait décidé de s’en saisir et avait constitué, mi-octobre, une mission d’information chargée de formuler des propositions. Cette mission vient de rendre public son rapport.
Elle souhaite que la refonte de l’ex-1 % Logement , qui vient de se doter d’une nouvelle directrice générale en la personne de Nadia Bouyer, soit très encadrée. Avec tout d’abord trois « lignes rouges » à ne pas franchir. La première concerne la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), collectée par l’organisme et qui sert à financer la construction de logement social et intermédiaire. L’an dernier, son montant s’était élevé à 1,7 milliard d’euros . L’hypothèse d’une baisse du taux de la PEEC, payée par toutes les entreprises de plus de 50 salariés, qui représente aujourd’hui 0,45 % de la masse salariale, a été évoquée.
Pour la mission, « il est indispensable de préserver la PEEC comme ressource dédiée au logement » et de ne pas la flécher vers d’autres dépenses. Sachant qu’Action Logement est non seulement le premier bailleur social de France, mais qu’il participe aussi au financement de pans entiers de la politique du logement, comme les programmes de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) en faveur des quartiers défavorisés, ou Action coeur de ville, pour la revitalisation du centre des villes moyennes.
« Sécuriser le patrimoine »
Autre impératif : « Conserver la gouvernance paritaire d’Action Logement et son autonomie ». Et il faut sécuriser le patrimoine immobilier du groupe [soit 1 million de logements, NDLR], «qui ne doit pas pouvoir être vendu, même en vue du financement des retraites », insiste le rapport.
Les sénatrices chargées de plancher sur le dossier – Valérie Létard, Dominique Estrosi Sassone, Marie Noëlle Lienemann et Viviane Artigalas – estiment néanmoins qu’il existe « des axes d’amélioration ». « Il faut renforcer la ligne hiérarchique du groupe pour mener une stratégie de long terme » et « développer les services aux entreprises et aux salariés autour du lien emploi-logement qui est l’ADN » d’Action Logement, indiquent-elles. Elles insistent encore sur la nécessité de renforcer le lien avec les élus locaux dans la mise en oeuvre des projets et « d’adapter les modes d’action entre prêts et subventions ».
« Rétablir la confiance »
En attendant, la commission d’information se félicite que le gouvernement ait renoncé à passer en force en légiférant par ordonnance sur cette réforme. Et qu’il agisse ainsi sans « court-circuiter » les partenaires sociaux. Un geste que Nadia Bouyer a également qualifié de « très fort et très important ».
« Négocier sous la menace d’une habilitation à légiférer par ordonnance était inacceptable », pour le rapport. Ses auteures souhaitent que la confiance entre l’Etat et les partenaires sociaux puisse être rétablie. Cela passe aussi « par un diagnostic plus objectif de la situation d’Action Logement », jugent-elles. Sachant que « les reproches formulés étaient en partie datés », basés sur des rapports d’inspection portant sur les années 2016 à 2018. Or depuis, le groupe a déjà entrepris de se transformer.
Un texte de loi est attendu au printemps. La commission des Affaires économiques du Sénat indique avoir décidé de maintenir cette mission afin de se préparer à son examen.