Onze jours, succédant à un congé naissance obligatoire de trois jours. Le congé paternité a déjà dix-huit ans, mais il n’a pas beaucoup grandi : seuls deux tiers des pères exercent leur droit. Alors même que le congé maternité vient d’être réformé pour devenir « universel » et offrir au minimum huit semaines à chaque femme, y compris les travailleuses indépendantes.
C’est pourquoi le gouvernement veut allonger le congé paternité, voire le rendre en partie obligatoire, via le prochain budget de la Sécurité sociale. « La réforme du congé paternité est au coeur de notre projet politique, elle parle d’égalité des chances et des sexes, d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Elle est très attendue », assure-t-on au gouvernement.
Comment le congé paternité est rémunéré
Pour obtenir les indemnités journalières de la Sécurité sociale, il faut avoir travaillé au moins 150 heures dans les trois mois précédents, ou avoir cotisé sur 10.300 de salaire minimum sur les six derniers mois. L’indemnité journalière est calculée à partir du salaire des trois derniers mois, dans la limite du plafond de la Sécurité sociale (3.428 euros). On soustrait 21 % à ce salaire de base, au titre des cotisations et contributions salariales. En 2020, l’indemnité s’élève à 9,53 euros minimum par jour, et 89,03 euros maximum.
Les employeurs peuvent compléter, mais seuls 20 % des salariés bénéficieraient de telles dispositions. Ils le font en direct, souvent via des accords « égalité professionnelle », en dehors du régime de prévoyance
Concertation
Rien n’a encore été arbitré précisément, même si les grands principes sont actés. Les partenaires sociaux ont été invités à une concertation avec la ministre du Travail, Elisabeth Borne, et le secrétaire d’Etat à l’Enfance et à la Famille, Adrien Taquet, vendredi. Une réunion préparatoire s’est tenue ce mercredi.
La commission Cyrulnik sur les « 1.000 premiers jours » du nouveau-né, installée en septembre 2019 par Emmanuel Macron, a recommandé mardi d’allonger à 9 semaines le congé paternité, dans l’intérêt du développement de l’enfant. Le député ex-LREM Guillaume Chiche et son groupe parlementaire EDS ont pour leur part présenté une proposition de loi pour aller jusqu’à 12 semaines, dont 8 obligatoires. « Il serait très intéressant d’avancer pour tendre vers 8 à 9 semaines », approuve Thomas Mesnier, le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, en rappelant que la majorité a déjà porté à 30 jours le congé paternité pour les pères d’enfants prématurés.
Selon nos informations, le schéma qui se dessine pour l’instant est celui d’un doublement du congé paternité à 22 jours, et du congé de naissance à 6 jours. Soit un mois « off » pour le père. Sachant que les 11 jours actuels coûtent 267 millions d’euros à la Sécurité sociale (en 2016), il faudrait prévoir de l’ordre de 300 millions d’euros supplémentaires. Avec un surcoût si une partie du congé paternel devenait « obligatoire ». L’exécutif y tient, car ce congé profite surtout aux personnes en emploi stable : 80 % des salariés en CDI exercent leur droit, et 88 % des fonctionnaires, contre seulement 48 % des pères en CDD et 13 % des demandeurs d’emploi.
Fenêtres ouvertes
Les employeurs jouent gros dans cette réforme que les syndicats applaudissent. Même si le Medef de Geoffroy Roux de Bézieux n’est pas hostile par principe aux évolutions sociétales, au contraire, il sait que cela risque de coûter cher aux entreprises. Elles financent déjà in extenso le congé de naissance et 60 % du congé paternité via les cotisations patronales à la branche Famille.
De plus, il ne faudrait pas que ces nouveaux congés désorganisent le fonctionnement au quotidien, considèrent les employeurs. Ils n’accepteront probablement pas que les pères puissent fractionner à l’infini leurs congés, ni que leurs droits de tirage s’étendent au-delà de quelques mois (actuellement, 4 mois après la naissance). Mais par-dessus tout, ils veulent éviter que le congé devienne obligatoire.
Sur ce point, le gouvernement n’a fermé aucune porte. Plutôt qu’une obligation assortie d’une amende pour l’employeur en cas de non-respect, avec une mise en jeu de sa responsabilité pénale, des mécanismes incitatifs sont envisageables. Par exemple, un dispositif de « name and shame », comme en matière d’égalité des sexes au travail. Ou bien le conditionnement du versement d’indemnités journalières au fait qu’un minimum de jours de congé paternité soient posés.