Apprentissage : la Cour des comptes recommande de réduire le niveau de prise en charge financière

Dans un rapport, la Cour des comptes s'alarme de « l'impasse financière » que connaît l'alternance, alors que le déficit de France compétences pourrait grimper à 5,9 milliards d'euros cette année. Elle estime que la réforme de 2018 a fait croître de 17 % le coût moyen d'un apprenti.


La Cour des comptes a vivement critiqué mercredi la réforme « non financée » de l’apprentissage de 2018. Elle estime que le succès quantitatif « indéniable » de la réforme s’est fait au prix d’un « doublement » du coût, tout en bénéficiant peu aux jeunes ayant le plus de difficultés à s’insérer dans l’emploi.

« L’alternance connaît une impasse financière », souligne la Cour dans un rapport dédié et un référé aux ministres de l’Economie et du Travail sur la « situation financière préoccupante » de France compétences . Prévu à 3,2 milliards d’euros en 2021 – malgré une subvention exceptionnelle de 2,75 milliards – le déficit de l’organisme qui gère les dispositifs d’alternance et de formation professionnelle – qui finance notamment les centres de formation d’apprentis à partir de la contribution des entreprises – pourrait grimper à 5,9 milliards cette année, ce qui nécessitera un nouveau coup de pouce financier.

Le coût moyen par apprenti en hausse de 17 %

En cause, la réforme du financement conjuguée à l’explosion des entrées de jeunes en apprentissage, qui a quasiment doublé en deux ans pour atteindre le niveau record de 730.000 en 2021 et permis une hausse du taux d’emploi des jeunes. « Le développement des effectifs d’apprentis, objectif affiché de la réforme, n’a pas été anticipé, pas plus que la croissance du coût unitaire par apprenti », déplore la Cour.

Depuis 2020, le financement des CFA repose, non plus sur des subventions régionales complétant les versements des entreprises, mais sur un financement au contrat (5.000 euros pour un CAP maçon, par exemple) dans une logique de guichet ouvert. Ce changement a fait augmenter le coût moyen par apprenti « d’au moins 17 % », selon la Cour, qui recommande une diminution des niveaux de prise en charge, à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration de France compétences le 30 juin.

Vantée par Emmanuel Macron – qui se fixe l’objectif d’un million d’apprentis pour son second quinquennat -, cette « croissance inédite » du nombre d’apprentis s’explique en partie par la réforme de 2018, qui a libéralisé l’apprentissage en matière de conditions d’entrée et d’offre de formation. Mais elle est aussi due aux aides décidées pendant la crise sanitaire et versées depuis la rentrée 2020 par l’Etat. Cette prime – 5.000 euros pour un mineur, 8.000 pour un majeur – rend le coût de la première année quasi nul pour l’employeur.

Efficience de la dépense publique

Selon la Cour, le coût total des dépenses d’apprentissage a doublé en 2021 à 11,3 milliards d’euros, dont 5,3 milliards de financement des CFA et 4 milliards d’aides exceptionnelles. L’exécutif compte prolonger ces aides exceptionnelles jusqu’à la fin de l’année. « Il est particulièrement important que la stratégie nationale de l’alternance veille à l’efficience de la dépense publique en priorisant les situations où l’apprentissage apporte une réelle plus-value », souligne la Cour.

La hausse des effectifs a été surtout portée par les apprentis du supérieur, majoritaires depuis 2020. Or, à partir de la licence, « la plus-value sur l’insertion professionnelle est faible », selon la Cour, même si cela « contribue à démocratiser, professionnaliser et financer l’enseignement supérieur ».

Autre bémol, la multiplication des formations s’est faite davantage dans des secteurs tertiaires que dans les secteurs en tension comme l’industrie ou le BTP. Si le nombre d’apprentis dans le secondaire augmente peu, « c’est en raison du profil de ces élèves de plus en plus jeunes à la sortie de la classe de troisième, peu mobiles, probablement hésitants à entrer dans une formation plus exigeante », estime la Cour, pour qui l’apprentissage « reste mal connu et moins considéré » par les professeurs de collège.

Elle appelle donc à « sécuriser les parcours en favorisant les passerelles entre voie scolaire et apprentissage » et à renforcer l’accompagnement des jeunes pour limiter le taux de rupture des contrats.


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