Les avocats des syndicats ont plaidé jeudi après-midi devant le Conseil d’Etat en faveur de la suspension de la réforme de l’assurance-chômage, censée s’appliquer au 1er juillet . Mais ils devront attendre une semaine pour savoir s’ils auront ou pas gain de cause. Devant la nature très complexe du sujet, la juge des référés, Anne Egerszegi, n’a pas fixé de date pour sa décision, attendant les explications complémentaires que le ministère du Travail, incapable de les lui fournir en séance, a promises d’ici à mardi prochain.
« Plus vous attendrez et moins vous aurez de temps pour produire un éventuel décret correctif », a-t-elle lancé aux représentants du gouvernement, déclenchant les rires après trois heures de débats très intenses.
« Des centaines de milliers de chômeurs affectés »
D’abord appelés à expliquer l’urgence à suspendre la réforme, les syndicats ont mis en avant, via leurs avocats, les « effets immédiats » sur la baisse des allocations » qui vont affecter « des centaines de milliers » de chômeurs. « La précarité renforcée c’est maintenant », a ajouté le conseil de l’Unsa, en réclamant une « remise à plat ». La CGT, elle, a dénoncé le « cynisme » du ministère du Travail, la modulation des cotisations chômage employeur (bonus-malus) n’intervenant, elle, qu’en septembre 2022.
La suite des plaidoiries a porté sur les moyens mis en avant dans les requêtes des syndicats. Le premier porte sur la pérennité du document de cadrage de la négociation de 2018, dont l’échec a amené le gouvernement d’alors à reprendre la main sous la forme d’un décret de carence, complété depuis par deux autres textes correctifs. « Totalement obsolète » compte tenu de la crise, ont-ils défendu, ce à quoi la juge a semblé donner raison en estimant les « termes du débat profondément renouvelés ».
Les arguments ont ensuite porté sur les effets de la nouvelle formule de calcul du salaire journalier de référence , le SJR, au coeur de la contestation, aussi bien sur l’allocation, mais aussi sur le mécanisme d’activité réduite ou encore la nature assurantielle du régime d’Assurance-chômage.
Juge « dubitative »
En échos à ses confrères, l’avocat de la CGT a maintenu que de très importantes différences de traitement demeurent malgré le plafonnement introduit par le ministère du Travail en mars dernier. En aucun cas, a-t-il plaidé, les nouvelles règles ne sauront réduire la précarité compte tenu du contexte économique, pointant une « erreur manifeste » entre objectifs poursuivis et mesures prises.
En réponse, le ministère du Travail a défendu le caractère global de la réforme, qui comprend aussi une mesure de dégressivité et le bonus-malus. La loi n’oblige pas à en passer par un nouveau document de cadrage en cas de changement « très significatif de circonstances », a plaidé son représentant, justifiant ainsi la voie réglementaire suivie. Avant d’ajouter que les objectifs de la réforme restent « pertinents et atteignables ».
L’application du bonus-malus ? Elle n’est pas découplée par rapport à celle du SJR puisque le comportement des employeurs va être observé sans attendre, de sorte d’appliquer les premières modulations de cotisation dans quinze mois. Quant aux écarts de traitement mis en avant par les syndicats, le ministère du Travail les a minimisés, mais sans convaincre la juge, durant la séance en tout cas.