Assurance-chômage : l’exécutif se donne trois mois pour appliquer sa réforme contestée

Deux jours après la décision du Conseil d'Etat de suspendre le coeur de la réforme de l'assurance-chômage, l'exécutif maintient la règle actuelle de calcul de l'allocation jusqu'au 30 septembre au plus. Sans s'interdire d'appliquer la réforme d'ici là.


People stand in a booth in a branch of France's national employment agency Pole Emploi in Montpellier, southern France on January 3, 2019. (Photo by PASCAL GUYOT / AFP)

Prenant acte de la décision encore toute chaude du Conseil d’Etat de suspendre l’entrée en vigueur du coeur de sa réforme de l’assurance-chômage, prévue pour jeudi prochain, le gouvernement n’a pas tardé à réagir. Il a décidé de prolonger jusqu’au 30 septembre la règle de calcul du salaire journalier de référence (SJR), dont est déduite l’allocation-chômage, dans sa version actuelle, pour sécuriser la situation des demandeurs d’emploi. C’est l’objet d’un projet de décret transmis pour consultation aux partenaires sociaux deux jours à peine après la décision de la plus haute juridiction administrative.

Pour autant, la détermination de l’exécutif à aller au bout reste intacte en surfant sur le fait que le jugement en référé ne remet pas en cause les principes qu’il défend. Ceux-ci doivent en effet encore être jugés au fond par le Conseil d’Etat. En clair, le ministère du Travail n’attend pas ce jugement et prépare déjà un autre projet de décret pour appliquer la nouvelle formule, très décriée, de calcul du SJR à compter du 1er octobre, voire plus tôt.

Intervenant dès mardi soir, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, ne l’avait pas caché : « Le Conseil d’Etat estime que la conjoncture économique est encore trop incertaine […] il ne censure donc que la temporalité de la réforme », avait-elle défendu avant de promettre, données sur l’évolution du marché du travail à l’appui, une mise en application « avant la fin de l’année ». « On se donne quelques jours » pour apporter une réponse au Conseil d’Etat, a-t-elle précisé jeudi soir sur « Bfm Business ».

Macron tranche

L’élaboration de ce futur projet de décret a donné lieu à d’intenses et tardifs débats interministériels pour savoir s’il était envisageable de conditionner l’application de la nouvelle formule de calcul du SJR. C’est ce que le gouvernement a décidé pour deux autres pans de la réforme, soumis à une clause de retour à meilleure fortune, mais il aurait finalement choisi de ne pas reprendre la formule.

Pour rappel, le passage de quatre à six du nombre de mois nécessaires pour être indemnisé (éligibilité) et la baisse au bout de six mois de 30 % de l’allocation pour les plus hauts revenus (dégressivité) sont attachés à une amélioration du marché du travail (basée sur le nombre de chômeurs sans activité inscrits à Pôle emploi et le nombre de déclarations d’embauche).

Deux options

Restait ensuite à trancher le dernier point : jusqu’à quand prolonger la règle actuelle. Deux options étaient sur la table jusqu’à ce jeudi, selon nos informations : le 31 août ou le 30 septembre. La décision en est revenue à Emmanuel Macron.

Si, comme cela semble se dessiner, le deuxième décret est publié rapidement, les syndicats risquent d’instruire un procès en entêtement. Iront-ils jusqu’à déposer un nouveau recours en référé suspension ? Probable, même si l’incertitude du marché du travail mis en avant par la juge perd de plus en plus de consistance. C’est ce que montrent le pic historique de déclarations d’embauches en mai et la nouvelle baisse du risque de plans sociaux.

Si cette date du 1er octobre est retenue, les syndicats pourront en revanche remettre en avant le décalage avec la date de mise en oeuvre de la modulation des cotisations chômage employeur (bonus-malus) qui, elle, reste à septembre 2022.

En repoussant la date d’application de la nouvelle formule de calcul du SJR, le gouvernement se prémunit aussi contre le risque, si le Conseil d’Etat lui donne raison, de devoir recalculer et réclamer des trop-perçus aux chômeurs qui se seront inscrits à Pôle emploi depuis le 1er juillet. A défaut, son argument selon lequel la réforme ne baisse pas les allocations chômage serait battu en brèche.


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