Maintenir l’esprit des réformes pour ne pas se déjuger sachant que la crise économique risque de les vider de leur substance : c’est le « en même temps » très subtil auquel le gouvernement est obligé de se plier. Comme le montre la principale annonce du sommet social qui s’est tenu lundi Matignon, le deuxième de l’ère Castex . Déjà décalée de septembre au 1er janvier, la mise en place des nouvelles règles d’indemnisation chômage est reportée de trois mois , a annoncé le Premier ministre aux partenaires sociaux.
Officiellement, ce report au 1er avril a été décidé sous le sceau du « pragmatisme », quand bien même la situation du chômage n’aura pas radicalement changé par rapport au 1er janvier. Il ne signifie en rien un renoncement à cette réforme « majeure, pas plus qu’à toutes les autres réformes majeures », s’est défendu Jean Castex, à l’issue de la rencontre, allusion à celle des retraites, très peu abordée lundi mais qui, toujours officiellement, reste à l’ordre du jour de l’agenda social.
Paramètres d’indemnisation
Pour la ministre du Travail, Elisabeth Borne, ces trois mois supplémentaires permettront de voir avec les partenaires sociaux comment faire évoluer les paramètres des règles d’indemnisation, sachant que les syndicats réclament toujours leur abandon pur et simple. Sans vraiment convaincre. « Ils naviguent à vue », décrypte un des représentants patronaux. « Ils sont coincés : quelle que soit la façon dont ils font bouger les paramètres, les précaires seront touchés de plein fouet », abonde un autre, côté syndical.
Autre thème dont le calendrier a glissé : le partage de la valeur dans l’entreprise (intéressement, participation, égalité de salaires…). La première séance de concertation, qui était prévue en septembre, a été renvoyée à fin octobre-début novembre et promet des passes d’armes entre syndicats, qui n’entendent pas lâcher le morceau, et patronat, qui n’entend rien lâcher du tout compte tenu de la situation très tendue des entreprises. Le suivi de la réforme de la formation professionnelle a également été jugé moins urgent au point qu’il a été retiré de la séance de concertation du 5 novembre.
Pour ce qui est des conditions de travail des salariés dits de la deuxième ligne, sujet sur lequel les syndicats ont beaucoup insisté, le décalage est encore plus manifeste : la concertation laisse la place à une mission confiée à deux personnalités qualifiées, en trois phases : « objectivation » pour savoir de qui on parle, suivi d’un diagnostic des conditions de travail de ces salariés, pour finir par des préconisations d’améliorations dans le courant de l’année prochaine promet le ministère du Travail.
Télétravail obligatoire ?
Autre sujet très mouvant enfin, le télétravail est suspendu aux nouvelles restrictions sanitaires que l’exécutif pourrait annoncer dans les tout prochains jours . La dose obligatoire – au moins deux jours par semaine – a des chances d’être revue à la hausse. A leur demande unanime, les partenaires sociaux seront consultés avant les décisions ce mardi en fin d’après-midi.
La teneur des décisions du gouvernement influera indirectement sur la négociation en cours entre syndicats et patronat, les premiers reprochant aux seconds de traîner les pieds. « Nous ne ferons pas l’économie d’un cadrage national », a rappelé le leader de la CFDT, Laurent Berger. Pour le numéro un de la CGT, Philippe Martinez, le télétravail oui, mais pas toute la semaine, sachant que cela soulève la question du poste de travail notamment. Attention, a temporisé le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, le télétravail n’est pas accessible à tous les salariés, tant s’en faut.