C’est l’une des nouveautés en matière d’accord collectif créé par la réforme du Code du travail. Dix ans après l’entrée en vigueur de sa version individuelle, la rupture conventionnelle collective (ou RCC), qui organise des départs volontaires de l’entreprise, a fait son entrée via les ordonnances de 2017. Deux ans et demi après, au 31 mars 2020, le comité d’évaluation de ces ordonnances a recensé 164 accords de ce type dans le bilan intermédiaire qu’il vient de publier.
Le contraste avec les accords de performance collective (APC), créés aussi par les ordonnances de 2017, est marquant : les grandes entreprises ou les entreprises appartenant à des groupes de plus de 5.000 salariés étaient à l’origine de plus de 60 % des ruptures collectives en 2019 et plus de 85 % des textes signés avec des délégués syndicaux quand les accords de performance collective séduisent plus de PME et sont souvent conclus hors syndicats.
Sujet sensible
Pour entrer en vigueur, toutes les RCC ont franchi l’étape de la signature de syndicats majoritaires et la validation par l’administration du Travail. Le taux d’échec des négociations n’est cependant pas négligeable puisque 24 entreprises, soit 13 %, ont abandonné leur projet faute d’avoir réussi à convaincre des syndicats majoritaires.
Il faut dire que le sujet est sensible car pour une RCC, l’employeur n’a pas à justifier de difficultés économiques. Au contraire, même, l’idée est de permettre un ajustement à froid là où le plan de départs volontaires est une déclinaison « soft » de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). La RCC a pour l’entreprise au moins deux avantages : l’absence d’obligation de reclassement et des délais plus courts.
Du côté des organisations syndicales, on a donc dénoncé à la sortie des ordonnances le risque d’une substitution à des PSE. Il faut dire que la première entreprise à avoir voulu faire une rupture conventionnelle collective, Pimkie, subissait de graves difficultés financières. Les syndicats ont fait bloc et elle a dû opter pour un plan de départ volontaire. D’autres entreprises ont en revanche réussi leurs négociations, à commencer par PSA .
Le risque de substitution s’est-il réalisé ? Le comité d’évaluation ne tranche pas, jugeant que « dans les faits, il est difficile de se prononcer ». « En termes de retour d’expériences […], les entreprises perçoivent la RCC comme un dispositif qui, reposant sur des départs volontaires, permet de conduire des réorganisations pour réduire les sureffectifs ou effectuer une GPEC [gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, NDLR] accélérée dans un climat serein », note le rapport.
Une trentaine d’accords seraient en cours de négociation, selon le comité d’évaluation. Pas sûr que dans les prochains mois, l’outil ait donc beaucoup de succès…