Une course de fond courue dans un brouillard complet. Voilà dans quoi les députés se lancent ce mardi avec le traditionnel marathon budgétaire. Avec la résurgence de la pandémie de Covid-19 et le tour de vis sanitaire , bien malin celui qui peut dire à quoi ressemblera d’ici à quelques semaines le projet de loi de Finances pour 2021 , soumis à l’examen de la commission des Finances de l’Assemblée cette semaine, la première étape en vue de son adoption d’ici à fin décembre. Surtout quand on se souvient que son prédécesseur pour 2020 a déjà fait l’objet de trois textes rectificatifs et qu’un quatrième est en préparation pour novembre.
Pour l’heure, les députés de la majorité veulent parer au plus pressé en renforçant ici ou là les filets de sécurité pour les secteurs les plus touchés par la crise économique. Le rapporteur général du Budget, Laurent Saint-Martin (LREM), milite notamment pour muscler le dispositif à l’égard des TPE , pas forcément toutes concernées par la baisse des impôts de production.
Son amendement viserait à élargir aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros (et non plus 7,6 millions) le plafond pour le taux réduit d’impôt sur les sociétés. D’autres parlementaires LREM veulent également prolonger le crédit d’impôt pour le spectacle vivant jusqu’en 2024, ou des dispositifs fiscaux d’aide à l’investissement pour la presse, deux secteurs durement impactés par la crise.
Débat politique
Mais ces mesures techniques devraient être vite éclipsées par le débat bien plus politique autour des contreparties du plan de relance . La baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production focalise toutes les attentions et fait l’objet d’une multitude d’amendements de la part des oppositions.
Le groupe socialiste propose la suppression de la mesure, ou bien alors d’en borner sévèrement le périmètre des bénéficiaires : seraient exclus les groupes engrangeant des revenus supérieurs à 1,5 milliard ou ceux distribuant des dividendes ou des bonus. Le groupe LFI réclame des « contreparties écologiques » tandis que les ex-macronistes du groupe Ecologie Démocratie Solidarité (EDS) veulent aussi conditionner cette baisse à des engagements. Au sein des oppositions, seul le groupe LR se démarque, avec un amendement réclamant au contraire une baisse plus importante des impôts de production (via la suppression totale de la CVAE).
Toutefois, cette question suscite aussi des débats au sein de la majorité. A son poste stratégique de rapporteur du Budget, Laurent Saint-Martin s’était pourtant dit partisan d’une approche non contraignante en la matière, avec simplement l’encouragement fait aux partenaires sociaux de négocier des avancées sociales ou écologiques.
Mais preuve que la question suscite encore des frictions, un amendement de quelques députés LREM propose de conditionner la baisse de la CVAE pour les entreprises de plus de 500 millions de chiffres d’affaires à des engagements en matière de transition écologique. Si ceux-ci n’étaient pas tenus, des sanctions pécuniaires seraient prononcées.
Les idées du Modem
Toujours au sein de la majorité, le Modem milite pour sa part pour revoir complètement l’architecture de la baisse de ces impôts de production : cela consisterait à annuler la baisse de la CVAE pour lui préférer une suppression totale de la CFE afin d’avoir des effets plus directs sur les PME. Les députés du groupe réfléchissent aussi à des conditionnalités, mais plutôt pour l’octroi du crédit impôt recherche pour lequel les groupes bénéficiaires devraient s’engager à rester cinq ans sur le territoire national selon l’amendement déposé. Enfin le Modem veut imposer un taux plancher d’impôt sur les sociétés (12 %) aux grands groupes.
D’une façon générale, l’examen parlementaire devrait également être l’occasion de joutes parlementaires sur le verdissement des textes budgétaires, comme c’est devenu l’habitude depuis deux ans. Un amendement porté par Jean-Marc Zulesi (LREM) au nom de la commission du Développement durable plaide pour l’introduction immédiate d’un malus auto basé sur le poids des véhicules, alors que la question suscite encore des débats au sein du gouvernement. Certaines dispositions issues de la Convention citoyenne sur le climat (réforme de l’indemnité kilométrique, plafond mobilité, etc.) sont également portées par des députés de la majorité.