Qui est le plus sérieux en matière de déficit public ? Le Sénat a adopté le premier volet consacré aux recettes du projet de loi de Finances pour 2023 , offrant l’occasion d’une nouvelle passe d’armes entre le gouvernement et la majorité sénatoriale de droite autour de leur crédibilité en matière de maîtrise des comptes publics.
Le volet adopté par les sénateurs aboutit à un texte largement remanié par rapport à la copie initiale du gouvernement. Première victime, la baisse des impôts de production (CVAE) voulue par l’exécutif, qui a finalement été supprimée après un loupé de la droite sénatoriale qui voulait seulement amender cette réforme gouvernementale. Surtout les parlementaires ont étoffé les mesures consacrées aux collectivités, en renforçant notamment le « filet de sécurité » mis sur la table par Bercy pour compenser la hausse des dépenses d’énergie.
Problème de crédibilité
Tout cela a abouti à une facture assez lourde pour les finances publiques. Bercy avait ainsi calculé que le déficit devait être rehaussé à 5,2 % du PIB l’an prochain (contre une prévision de 5 % dans le projet gouvernemental) au vu de tous les amendements votés. Les sénateurs ont baissé les droits de succession pour 2 milliards d’euros, réduit plusieurs taux de TVA (sur le transport collectif notamment, mais aussi la margarine ou la filière équine) pour 700 millions ou relevé le crédit d’impôt pour la garde d’enfants de 250 millions.
De quoi poser un problème de crédibilité pour la droite sénatoriale, qui ne cesse de critiquer le gouvernement pour son manque d’ambitions en matière de réduction des déficits. Juste avant le vote final, les sénateurs ont donc supprimé par une deuxième délibération plusieurs amendements coûteux (notamment celui sur les droits de succession) ou mal ciblés.
Au final, le déficit ressort donc à 4,9 % de ce premier examen du Sénat. « Cela se fait uniquement sur le dos des entreprises, puisque cette réduction du déficit repose sur la suppression de la baisse de la CVAE, sans quoi le déficit serait à 5,1 % », a cinglé Gabriel Attal, le ministre délégué des Comptes publics. Une façon de mettre LR en porte à faux, qui s’est laissé déborder par la gauche alors qu’elle est favorable à la baisse des impôts de production.
Nouveau 49.3 à venir
Le locataire de Bercy a aussi ironisé sur le fait que le Sénat a voté une trajectoire budgétaire à l’horizon 2027 qui prévoit 4,6 % de déficit dès 2023. « Cela veut dire qu’il va falloir que vous ponctionniez encore 10 milliards d’euros d’économies sur les crédits, on attend que vous nous disiez où », a-t-il attaqué. Le rapporteur général du Budget (LR) au Sénat, Jean-François Husson, a repoussé ces attaques. « Je ne suis pas sûr que les uns ou les autres aient des leçons à donner en la matière », a-t-il lancé.
Le Sénat a commencé dès jeudi soir à examiner le deuxième volet du projet de loi de finances consacré aux dépenses, alors que le vote final pour l’ensemble du texte est prévu pour le 6 décembre. Le budget repartira ensuite à l’Assemblée, où le gouvernement devrait à nouveau recourir au 49.3 pour l’adopter. Gabriel Attal a d’ores et déjà prévenu qu’il rétablira à cette occasion la baisse des impôts de production.