Le gouvernement actuel, qui se fait fort d’incarner le dépassement des clivages politiques, vient de trouver plus fort que lui en la matière. Il a ainsi réussi le rare exploit de fédérer contre lui la quasi-totalité des partis représentés à l’Assemblée nationale, y compris ceux formant la majorité (LREM et Modem donc, mais aussi LR, PS, et même LFI). Sa volonté d’imposer une nouvelle cure d’austérité l’an prochain aux Chambres de commerce et d’industrie (CCI) a été retoquée à la quasi-unanimité par la commission des Finances de l’Assemblée mercredi dernier , et devrait faire partie des débats les plus sensibles lors de l’examen du projet de loi de Finances pour 2021 qui débute ce mardi dans l’Hémicycle.
Initialement, Bercy espérait diminuer de 100 millions d’euros le plafond des ressources affectées aux 129 chambres de commerce que compte le territoire français. De quoi faire des économies dans un budget 2021 hors norme, qui en compte sinon très peu si l’on excepte celles générées par la réforme des APL ou celle d’Action Logement .
Les experts de Bercy n’ont pas eu à faire preuve de beaucoup d’imagination : depuis le début du quinquennat, les ressources affectées aux CCI ont déjà diminué de 350 millions, et il était programmé des baisses annuelles de 100 millions jusqu’en 2022. Cela s’inscrivait dans la réforme du réseau prévue par la loi Pacte . Celle-ci prévoyait de façon plus large une refonte du financement, qui reposait jusque-là sur une taxe pour frais de chambre et doit progressivement être basé sur la vente de prestations aux entreprises.
Lobbying efficace
Ce scénario a suscité un tir de barrage à l’Assemblée. Le lobbying des CCI a visiblement été efficace, avec 60 amendements déposés par une multitude de groupes. « Cela représente 5 % de tous les amendements au PLF, force est de constater que c’est un sujet important », a ironisé en séance Laurent Saint-Martin (LREM), rapporteur général du Budget . « C’est une politique folle. Il faudrait que les CCI se financent par des prestations de services. Mais là elles ne peuvent plus, elles licencient à tour de bras », a dénoncé Charles de Courson (Les Centristes). La plupart des intervenants en commission des Finances ont dénoncé des coupes dans les moyens des chambres de commerce, au moment où celles-ci pourraient être sollicitées dans le cadre du plan de relance .
Face à cette opposition frontale, le gouvernement aura bien du mal à faire passer son projet en l’état auprès des députés cette semaine. Déjà cet été, il avait été amené à reporter d’un an la baisse de 100 millions des ressources déjà prévue pour cette année, pour tenir compte de la crise économique post-Covid. Mais du coup, avec le nouveau coup de rabot prévu pour l’an prochain, cela amènerait à une baisse totale en cumulé de 200 millions en réalité pour 2021. « La réforme initiale reste bonne dans ses objectifs. Mais la méthodologie et le rythme des baisses de ressources programmées chaque année n’est pas forcément adapté au contexte actuel », convient Alexandre Holroyd, le nouveau coordinateur LREM en commission des Finances.