Jusqu’à quand pourra-t-il tenir sans dégainer le 49.3 ? A peine deux jours après le début de l’examen parlementaire de ses textes budgétaires , le gouvernement a multiplié les revers, ce mardi et ce mercredi, en commission des finances de l’Assemblée nationale. Au point que le recours à cet article de la Constitution pourrait s’imposer dès la semaine prochaine face à des oppositions n’hésitant pas à s’unir.
Il aura, en tout cas, fallu peu de temps pour voir à quel point le paysage parlementaire avait changé. Qu’il paraissait loin le quinquennat précédent, quand la commission des finances accueillait des débats techniques et des joutes oratoires farcies d’acronymes abscons, se concluant inévitablement par un retour à la raison dicté par le gouvernement. « Désormais c’est violent », convient une source ministérielle. « C’est ce qui se passe quand la majorité est minoritaire, cela aboutit au détricotage du budget », répond Eric Coquerel (LFI), le président de la commission.
Revers de la majorité
De fait, la majorité présidentielle a rapidement perdu le contrôle de la situation. En commission, les votes se font à mains levées. Mais les scrutins ont été tellement serrés que les administrateurs ont dû demander plusieurs fois que les députés se lèvent pour compter leurs votes, afin d’éviter les erreurs. « Je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà vécu ça », reconnaît Véronique Louwagie (LR), qui en est à son troisième mandat.
Bras levés ou députés debout, quelle que soit la méthode, le gouvernement et la majorité ont accumulé les revers. Mardi soir, il y a déjà eu le rejet du projet de loi de programmation des finances publiques , obtenu par le front uni des oppositions (Nupes, LR et RN). Gabriel Attal, le ministre délégué aux Comptes publics, avait pourtant évoqué le risque que ce rejet entraîne le non-déboursement des sommes du plan de relance européen, après les mises en garde la semaine dernière du premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, sur les risques juridiques d’un tel scénario . Mais cela n’a pas suffi et Jean-René Cazeneuve (Renaissance), le rapporteur général du budget, a fustigé sur Twitter le PS et LR, « des partis de gouvernement qui ont perdu leur boussole et leur âme ».
Coalitions hétéroclites
Les affaires de l’exécutif ne se sont pas arrangées pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2023. « Je constate que des majorités hétérogènes se forment exclusivement pour augmenter les dépenses », regrette auprès des « Echos » Jean-René Cazeneuve. « Quand des amendements contentent tout le monde, les oppositions se coalisent », reconnaît Christine Pirès-Beaune (PS), qui a obtenu mercredi – contre la majorité – la création d’un crédit d’impôt pour les frais de dépendance des personnes accueillies en Ehpad. Ces majorités de circonstance se sont faites d’autant plus facilement que le RN n’a pas hésité à voter des amendements de LR comme de LFI. « Ils jouent un rôle un peu particulier, ils veulent montrer qu’ils ne sont pas sectaires », décrypte un parlementaire.
Tout cela a abouti à des situations baroques. Comme quand l’élu LR Fabrice Brun, s’inquiétant des cadeaux faits aux plus riches, a obtenu le rétablissement de l’« exit tax » supprimé par Emmanuel Macron, grâce notamment au soutien des députés LFI.
Toutes les oppositions – droite et gauche – se sont aussi coalisées pour une indexation différenciée du barème de l’impôt sur le revenu pour favoriser les plus modestes proposée par Charles de Courson (conduisant donc à une plus grande progressivité de l’IR). « Cela va dans tous les sens, il n’y a plus de cap clair », reconnaît Véronique Louwagie (LR) qui a vu sa proposition de création d’un crédit d’impôt pour la rénovation globale des bâtiments endossée par l’écologiste Eva Sas.
Au final, l’examen du PLF qui doit s’achever d’ici à vendredi en commission paraît voué à accumuler les milliards d’euros de dépenses supplémentaires, bien loin du souci « à l’euro près » exprimé par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. En soi, cela ne prête pas encore à conséquences, les compteurs étant remis à zéro en séance plénière. Mais cela augure d’un débat en hémicycle particulièrement ardu pour l’exécutif. « Est-ce qu’il va falloir accélérer le recours au 49.3 dès la semaine prochaine face à cette situation ? La question se pose », reconnaît une source gouvernementale.