J-3 : une semaine après Marseille, l’exécutif se prépare à faire fermer également les bars à Paris à partir de lundi, contraint par une situation sanitaire critique qui, si elle ne s’améliore pas, pourrait conduire à des restrictions plus drastiques encore. Jeudi, le ministre de la Santé Olivier Véran avait accordé un “sursis” aux débits de boissons parisiens, en disant vouloir attendre une consolidation des chiffres de progression de l’épidémie avant de placer Paris et sa petite couronne en “alerte maximale” – la menace vise également les métropoles de Lille, Lyon, Grenoble, Toulouse et Saint-Etienne.
Si M. Véran a prorogé toute décision à dimanche, plusieurs sources au sein de l’exécutif, dans l’attente des ultimes chiffres, en sont convaincues : les cafés parisiens devront fermer en début de semaine. “Ce délai nous permet de nous préparer avec la maire de Paris, les professionnels du secteur, à une entrée en vigueur la semaine prochaine”, assure l’une d’entre elles. Une responsable de l’Hôtel de ville juge qu'”il n’y a pas de doute” quant à la fermeture des bars.
Quant aux restaurants, ils espèrent encore pouvoir rester ouverts en renforçant encore leur protocole sanitaire: prise de température des clients à l’entrée, le recueil de leurs coordonnées et la limitation des groupes de convives à huit contre dix actuellement. Le Haut Conseil de la Santé publique doit émettre un avis sur les propositions des restaurateurs d’ici lundi, à l’issue duquel le gouvernement tranchera, a-t-on appris auprès du ministère de la Santé.
En Île-de-France, le taux d’occupation des lits en réanimation pour les patients atteints de Covid-19 atteignait vendredi 34,8%, au-dessus du seuil critique de 30%, selon les derniers chiffres de l’Agence régionale de santé (ARS). Le taux d’incidence (nouveaux cas sur sept jours) dépassait toujours la barre des 250 pour 100.000 habitants à Paris – l’un des critères pour basculer en zone d’alerte maximale – en ayant atteint 264 vendredi, selon l’ARS.
La fermeture des bars dans la capitale, une semaine après la restriction de leurs horaires d’ouverture, confronte l’exécutif à une colère grandissante de la profession, loin du consensus observé lors du confinement généralisé de mars. Maigre consolation : la décision doit faire taire les critiques en parisianisme des cafetiers marseillais, dont les établissements sont fermés depuis une semaine. “On déstabilise incontestablement l’écosystème, mais on créé une prise de conscience”, défend un membre de l’exécutif.
La question des restaurants, déjà fermés à Marseille et Aix-en-Provence, reste en suspens. Si le Haut Conseil de la Santé publique valide les propositions des restaurateurs sur un protocole renforcé, l’exécutif devrait permettre aux établissements de rester “tout ou partie” ouverts, même dans les zones d’alerte maximale, et rouvrir ainsi à Aix-Marseille.
Si plusieurs organisations professionnelles s’en sont félicités, des dizaines de patrons de restaurants, hôtels, cafés, brasseries, traiteurs, bars et discothèques ont “fait du bruit” devant la porte de leurs établissements, vendredi matin, un brassard noir au bras, en répondant au mot d’ordre du médiatique chef bordelais Philippe Etchebest.
Dans un entretien au Parisien vendredi soir, la maire de Paris Anne Hidalgo s’est déclarée “pas favorable” à une fermeture des restaurants mais qu’elle allait l’appliquer si elle devait entrer en vigueur. “J’ai dit au Premier ministre que j’étais prête à accompagner les mesures prises par les autorités sanitaires, dès lors qu’elles sont ciblées et lisibles pour les Parisiens”, a-t-elle indiqué.
Au-delà, c’est la question des vacances scolaires de la Toussaint, du 19 octobre au 3 novembre, qui occupe désormais l’esprit de l’exécutif. Le vote par l’Assemblée nationale jeudi soir de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire – elle doit désormais être adoptée par le Sénat – permet en outre au gouvernement de restreindre les déplacements de la population. “Dans quinze jours, on verra où l’on en est dans l’application des premières mesures” et “l’impact sur la situation épidémiologique”, souffle un membre de l’exécutif, en se disant “prudent”. Si Nice et Bordeaux semblent connaître des évolutions favorables, la situation sanitaire à Marseille est davantage sujette à caution.Et il prévient : “Si les mesures sont toujours négociées avec les élus dans le cadre du couple maire-préfet, il y a une exception : s’ils sont trop mous du genou, l’Etat se substitue à tous” et prendra ses responsabilités.
Pour tenter d’éviter la fermeture de leurs établissements face à l’avancée de l’épidémie, les professionnels de l’hôtellerie-restauration ont présenté aux autorités sanitaires un projet de “protocole sanitaire renforcé”. Le point sur les mesures envisagées.
ÉVITER LA SURFRÉQUENTATION
La distance actuelle d’un mètre entre les tables constitue “une ligne rouge” pour la profession. “Il en (va) de la survie économique de ses établissements”, selon un communiqué commun des organisations GNI hôtellerie et restauration (représentant les indépendants), Umih (hôtellerie), SNRTC (restauration thématique et commerciale) et GNC (chaînes hôtelières).
Une distance d’un mètre entre les tables réduit la capacité des établissements de 35% en moyenne tandis qu’une distance de 1,50 mètre la réduirait de 60%, a précisé à l’AFP un porte-parole du GNI hôtellerie et restauration.
En contrepartie, les professionnels ont proposé d’afficher une jauge indiquant la capacité totale d’accueil des établissements (ce qui faciliterait d’éventuels contrôles). Au-delà, les clients devraient attendre à l’extérieur.
Le paiement à table serait aussi rendu obligatoire, pour limiter les déplacements. Les professionnels ont refusé de réduire de 10 à 4 le nombre de personnes par table. “La profession ne veut pas descendre sous les 8”, a relevé le porte-parole.
TRACER ET DÉPISTER
Les professionnels ont proposé la mise en place d’un carnet où les clients indiqueraient leurs coordonnées pour pouvoir être éventuellement rappelés par l’agence régionale de santé. Cela serait assorti d’une incitation au téléchargement de l’application StopCovid.
La proposition de prendre la température des salariés et des clients a été refusée lors d’une réunion au ministère de la Santé vendredi: il serait difficile de s’assurer que les salariés ont bien pris leur température avant de quitter leur domicile, et le nombre de cas asymptomatiques rendrait la mesure inefficace, a rapporté le porte-parole du GNI. Selon lui, la proposition de “dépister massivement les employés” a également été repoussée vendredi, car de tels dépistages massifs sont réservés au personnel soignant.
DES RÈGLES IDENTIQUES POUR BARS, CAFÉS OU RESTAURANTS
Les organisations professionnelles demandent que les bars en mesure d’appliquer le protocole sanitaire renforcé puissent rester ouverts. Elles estiment dans leur communiqué que “le seul critère” qui doit être pris en compte pour décider de l’ouverture d’un établissement (restaurant, brasserie ou bar) est “sa capacité à respecter le protocole sanitaire, et donc à asseoir sa clientèle en respectant les distances de sécurité”. “Aucun autre critère (classification, consommation ou non de repas ou d’alcool …) ne se justifie d’un point de vue sanitaire.”
Selon le porte-parole du GNI, “on évite ainsi 1/ la mort de nos établissements par une fermeture, et 2/ de tenter de mettre en place des usines à gaz, parce que tout cela semble clair et susceptible d’être accepté par tout le monde.”
“Désormais, il faudra bien que tout le monde comprenne que quand on va dans un bar, on s’assied pour consommer, on respecte la distanciation entre les tables, on se déplace aux toilettes en portant un masque, on paye à table, et tout ira pour le mieux.