Charles-Henri Colombier: « Les conséquences concrètes de la crise pour les ménages et les entreprises sont largement devant nous »

La France a enregistré un plongeon historique de 13,8 % de son PIB au deuxième trimestre. Pour le directeur de la conjoncture de Rexecode, Charles-Henri Colombier, le plan de relance devrait soutenir l'investissement « mais un noeud gordien de la reprise réside aussi dans la consommation ». Et, notamment, dans « la surépargne de précaution des ménages ».


-13,8 %, c’est une chute historique du PIB, mais c’est un peu moins qu’anticipé. Y voyez-vous un signal positif pour la suite ? 

Disons que c’est une légère bonne surprise. La baisse de la consommation a été un peu moins forte qu’anticipé et on pouvait craindre un effondrement plus important de l’investissement. 

C’est grâce aux mesures d’urgence décidées par le gouvernement ?

Ce n’est pas totalement clair sur l’investissement, même si le soutien à la trésorerie des entreprises a contribué à minimiser sa chute. Du côté de la consommation, la prime à la conversion automobile a certainement pesé. Les ventes de voitures neuves ont nettement redémarré en juin, le nombre d’immatriculations ayant dépassé celui réalisé un an auparavant. Bien sûr, le chômage partiel a aussi fortement contribué à préserver le pouvoir d’achat des ménages et donc la consommation. 

Fallait-il alors durcir ses conditions d’accès ? 

Le recours massif à l’activité partielle a été crucial à court terme. Il est en revanche trop tôt pour mesurer pleinement son efficacité à plus long terme. Si la crise ne se révèle pas simplement conjoncturelle mais aussi structurelle, on pourrait craindre que l’activité partielle ne contribue à retarder certaines adaptations inéluctables. Il ne faudrait pas de surcroît que les conditions d’indemnisation particulièrement généreuses en France aient un effet désincitatif sur la reprise d’activité. A cet égard, le pilotage du gouvernement avec un relatif durcissement des conditions du chômage partiel classique et la mise en place sélective d’une activité partielle de longue durée paraît pour l’instant plutôt adapté. 

Le plan de relance préparé par le gouvernement permettra-t-il d’enclencher la reprise ? 

Le plan de relance devrait à bon escient soutenir l’investissement, mais un noeud gordien de la reprise réside aussi dans la consommation. Pour l’heure, on ne voit pas tout à fait ce qui pourrait débloquer la surépargne de précaution que constituent les ménages. Une épargne en partie rationnelle étant donné que le taux de chômage devrait dépasser les 11 %…

Si on compare les plans de relance français et allemand, lequel vous apparaît le plus robuste ? 

Difficile de se prononcer tant qu’on ne connaît pas précisément le plan français… On peut toutefois dire que l’Allemagne part avec un avantage. La crise sanitaire y a été moins forte et le confinement par conséquent moins strict et moins durable. Le PIB allemand a baissé nettement moins que le PIB français aux premier et deuxième trimestres. Ayant une balance touristique déficitaire, l’Allemagne sera en outre moins pénalisée que la France et les autres pays du sud de l’Europe par le repli sur le tourisme national. 

Disposant de marges de manoeuvre budgétaires que nous n’avons pas, l’Allemagne a pu décider de soutenir la consommation par une baisse temporaire de la TVA. Il faudra cependant attendre la fin de l’année pour juger de l’efficacité de cette mesure très coûteuse, car les expériences françaises ont montré qu’elle ne profitait pas toujours aux consommateurs, les entreprises en affectant une bonne partie à leurs marges. J’alerte par ailleurs votre attention sur l’Espagne. Jusqu’à présent, les inquiétudes se sont focalisées sur l’Italie, mais la situation espagnole semble également inquiétante au vu de la chute de son PIB et de sa forte dépendance au tourisme. 

L’Insee prévoit de finir l’année avec une chute du PIB ramenée à 9 %, l’institut est plus optimiste que le gouvernement qui table sur – 11 %. Et vous ?

Le deuxième trimestre ayant été un peu moins mauvais que prévu, le rebond du troisième trimestre pourrait paradoxalement être moins fort qu’on ne le pensait. Cela dit, sauf deuxième vague de reconfinement, la croissance annuelle en 2020 sera sans doute moins dégradée que ce que prévoit encore le gouvernement. 

Pourtant, le président de l’UIMM, Philippe Darmayan, affirme, lui, que « nous ne sommes qu’à l’aube de la crise économique »… 

Le pire est certainement derrière nous en termes de baisse du PIB, mais les conséquences concrètes de la crise pour les ménages et les entreprises sont, elles, largement devant nous. La hausse du chômage est pour l’instant retardée par le chômage partiel, le nombre de faillites devrait bondir à la rentrée et la baisse massive de l’investissement affectera le stock de capital et donc la croissance potentielle des prochains trimestres.


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