Les conséquences du coronavirus sur le marché du travail prennent encore de l’ampleur. Selon un recensement établi par le ministère du Travail, ce jeudi 2 avril, 3,9 millions de salariés sont en situation de chômage partiel. Ce qui représente environ 15% de la population active. “Les indemnités d’activité partielle sont remboursées intégralement par l’État-Unédic, jusqu’à un plafond de 70 % de 4,5 Smic” rappelle l’administration.
415.000 entreprises ont fait des demandes
Après un départ poussif, le dispositif mis en oeuvre par l’exécutif monte en puissance. Le service de statistiques du ministère (Dares) précise que plus de 415.000 établissements ont déposé environ 425.000 dossiers. “Le nombre de dossiers a ainsi été multiplié par trois par rapport au 25 mars” précise le document. Et cette situation ne devrait pas s’arranger. La prolongation du confinement au moins jusqu’au 15 avril annoncé la semaine dernière par le Premier ministre Edouard Philippe pourrait accélérer les demandes d’activité partielle. Dans une récente note produite par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les statisticiens expliquaient que plus de 5,7 millions de salariés, soit 21% de l’emploi salarié, pourraient se retrouver au chômage partiel.
Les petites entreprises en première ligne
Le document détaillé du ministère de la rue de Grenelle indique que ce sont surtout les petites entreprises qui effectuent ce type de démarche. Ainsi, 42% des salariés concernés travaillent dans des établissements de moins de 20 salariés. Viennent ensuite les firmes ayant entre 50 et 249 salariés (25%). A l’opposé, les salariés des grands groupes (+ de 1.000 salariés) ne représentent qu’une infime minorité (5%) sur le total des demandes.
L’autre enseignement éclairant des chiffres du ministère est que sans surprise, ce sont surtout les entreprises du commerce, de l’hébergement-restauration et de la construction qui ont demandé ce type de dispositif pour leurs salariés. La fermeture administrative décidée par l’exécutif a mis à l’arrêt la quasi totalité des entreprises dans ces trois secteurs. A l’opposé, les entreprises de fabrication de matériels de transport, celles spécialisées dans l’énergie, l’eau, la gestion des déchets ou encore l’agriculture et la pêche apparaissent en bas de tableau. Plusieurs de ces secteurs sont fortement sollicités actuellement pour assurer notamment le transport de l’énergie ou l’approvisionnement des chaînes de distribution et des magasins alimentaires.
L’Ile-de-France concentre la majorité des demandes
Au niveau géographique, lIe-de-France représente la grande majorité des demandes (20%). Viennent ensuite Auvergne-Rhône-Alpes (13,2%) et Provence-Alpes-Côte d’Azur. A l’inverse, les territoires d’Outre-mer (Saint-Pierre et Miquelon, Mayotte, la Guyane, Martinique, Guadeloupe) la Corse et la Réunion figurent en bas de classement.
Elargissement et simplification
Depuis le début de la crise, le gouvernement a largement modifié et étendu les mesures de soutien et d’aides aux entreprises et aux salariés. Les entreprises ont désormais 30 jours pour effectuer une demande de chômage partiel avec “un effet rétroactif”. Ces évolutions et la multiplications des dispositifs ont dans un premier temps brouillé le message auprès des entreprises. Sous une forme ou une autre, le chômage partiel a été étendu au maximum de salariés possibles (cadres au forfait jour, saisonniers de la montagne, emplois à domicile, etc…). L’entreprise pourra y recourir pendant un maximum d’un an au lieu de six mois.
En outre, la paralysie prolongée de l’économie, le confinement d’une grande partie de la population active a provoqué une saturation des services de l’Etat en région. Beaucoup d’entreprises ont fait part de difficultés pour effectuer ces demandes. Depuis, le ministère du Travail annonce avoir augmenté ses capacités. Dans un communiqué rendu public ce mercredi premier avril, l’institution a indiqué qu’elle avait modifié en profondeur son système d’information pour répondre à la demande.
“Ce système est désormais capable de supporter 15.000 connexions simultanées, de répondre à 400 000 utilisateurs par jour, de délivrer automatiquement les codes de connexion et de générer une réponse automatique d’acceptation 48h après le dépôt de la demande de l’entreprise. Enfin, un délai de 30 jours a été donné aux entreprises pour déposer leur demander, avec effet rétroactif, pour sécuriser toutes les entreprises qui n’ont pas encore pu le faire”.
Risques d’abus
L’élargissement et l’assouplissement du dispositif ont pu entraîner des risques d’abus. Plusieurs cas d’entreprises qui ont fait des demandes de chômage partiel et qui ont demandé à leurs salariés de travail ont été signalés. Récemment, le ministère du Travail a fait une mise au point concernant les sanctions prévues.
“La mise en chômage partiel des salariés n’est pas compatible avec le télétravail. Lorsqu’un employeur demande à un salarié de télétravailler alors que ce dernier est placé en activité partielle, cela s’apparente à une fraude et est assimilé à du travail illégal.”
En cas de fraude, l’employeur pourrait être amené à rembourser l’intégralité des sommes perçues au titre du chômage partiel ou pourraient être privé pendant une durée maximale de 5 ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle. Enfin des peines d’emprisonnement sont également prévues dans le code pénal. A ce stade, le ministère du Travail ne communiqué pas de chiffre sur le nombre de fraudes.
Un modèle élargi à l’Europe
Après la crise de 2008, l’Allemagne avait eu massivement recours à ce dispositif pour éviter des vagues de licenciement. Depuis, ce système s’est élargi à l’échelle de l’Europe. La Commission européenne a annoncé ce jeudi qu’elle avait prévu de renforcer le système d’activité partielle.
“SURE (instrument de solidarité) soutiendra des dispositifs de chômage partiel et des mesures similaires pour aider les États membres à protéger les emplois, les salariés et les travailleurs indépendants contre le risque de licenciement et de perte de revenus. Les entreprises pourront réduire temporairement les heures travaillées par leurs salariés ou suspendre le travail, et l’État apportera un soutien au revenu en compensation des heures non travaillées. Les travailleurs indépendants bénéficieront de dispositifs de remplacement du revenu pour faire face à l’urgence actuelle” précise l’institution bruxelloise dans un communiqué.