Ce n’est pas une surprise, mais même attendu, l’ampleur du choc de la crise sanitaire du coronavirus Covid-19 sur l’économie française est sans précédent. Selon la première estimation publiée ce vendredi matin par l’Insee, le PIB s’est contracté de 13,8 % au deuxième trimestre. L’Hexagone affiche son troisième trimestre de suite dans le rouge et s’enfonce donc dans l’une de ses plus profondes récessions depuis l’après-guerre.
Seule consolation pour l’exécutif, cette chute est au final moins marquée que ce qu’anticipait l’Insee mi-juin. A l’époque, l’institut de la statistique tablait en effet sur un effondrement de 17 %. Mais la consolation est bien maigre car, à l’occasion de cette publication, l’Insee a revu à la baisse les données du premier trimestre. Désormais, affirment les statisticiens publics, la chute du PIB sur les trois premiers mois de l’année a atteint 5,9 % et non de 5,3 % comme annoncé fin mai.
Le gouvernement « déterminé à tout faire »
« C’est un chiffre attendu, c’est un chiffre sévère, mais c’est un chiffre moins sévère que prévu », a jugé, ce vendredi matin, le ministre de l’Economie et des Finance, Bruno Le Maire. « Si nous avons aujourd’hui des chiffres de croissance qui sont un peu moins mauvais que prévu, c’est la preuve que l’action politique, la décision politique publique, elle est efficace », a-t-il expliqué, soulignant que le gouvernement était « totalement déterminé à tout faire […] pour accélérer le redressement économique national et créer les emplois qui vont avec ».
Les raisons de cette chute du PIB ne sont pas difficiles à trouver. La baisse est principalement liée à l’arrêt des « activités non essentielles » suite au confinement de l’économie mis en place entre mi-mars et début mai. « La levée progressive des restrictions conduit à une reprise graduelle de l’activité économique aux mois de mai puis de juin, après le point bas atteint en avril », explique l’Insee.
L’effet du confinement sur la consommation…
Sans surprise, les dépenses de consommation des ménages se sont effondrées de 11 %, après une baisse de 5,8 % au trimestre précédent. Et les premiers détails diffusés par l’Insee illustrent parfaitement la mise au ralenti de la vie quotidienne des ménages pendant cette période marquée par plusieurs semaines de confinement.
Cloîtrés chez eux, les Français ont adapté leur consommation. L’essentiel de leurs dépenses a ainsi été consacré à l’alimentation tandis que leurs dépenses d’énergie, liée notamment au carburant, et d’autres biens et services ont été limitées.
Dans le détail, les dépenses alimentaires affichent un repli somme toute limité de 0,5 %. Nombre de ménages utilisant sans doute les stocks qu’ils avaient constitués le trimestre précédent lors de l’annonce du confinement (ces dépenses avaient augmenté de 2,8 % au trimestre précédent). Par contre, tous les autres postes de consommation s’enfoncent une nouvelle fois : -12 % pour les biens fabriqués, -11,1 % pour l’énergie et -15,3 % pour les services. Les secteurs quasi totalement mis à l’arrêt par le confinement sont ceux qui ont le plus souffert de la chute de la consommation : -56,9 % pour l’hébergement-restauration et -45,8 % pour les transports.
…et sur les entreprises
La mise a l’arrêt de l’économie depuis le printemps a également pénalisé l’activité des entreprises, et les chiffres de l’Insee soulignent la nette baisse de la production totale dans l’Hexagone. « La production totale de biens et services baisse fortement », expliquent les statisticiens publics. De fait, elle s’est effondrée de 14,2 % sur le deuxième trimestre, après un début d’année déjà dans le rouge (-5,5 %).
Aucun secteur n’a été épargné par le souffle du coronavirus. C’est dans la construction que le choc est le plus rude, avec une baisse de près d’un quart de l’activité. La contraction est particulièrement forte dans la construction (-24,1 %, après -12,8 %). Mais la production de biens chute aussi fortement (-16,8 %, après -5,6 %), de même que celle de la production de services marchands (-13,4 %, après -5,0 %).
Faute de clients et de perspective, les chefs d’entreprise ont aussi remis en cause leurs projets. Sur le trimestre, l’investissement des entreprises affiche ainsi une chute de 17,8 % (après 10,3 % de baisse).
Les échanges extérieurs pénalisés
La mise à l’arrêt forcée de l’économie mondiale se fait aussi sentir dans les échanges extérieurs de l’Hexagone. « Les exportations baissent plus fortement ce trimestre (-25,5 %, après -6,1 %) que les importations (-17,3 %, après -5,5 %) », soulignent ainsi les statisticiens publics.
L’Insee avertit cependant que cette première estimation, en dépit de l’adaptation de sa méthodologie du fait d’un contexte inédit, « reste fragile et est susceptible d’être révisée davantage qu’à l’accoutumée » dans ses prochaines publications.
L’espoir d’un fort rebond
Reste maintenant à savoir si le ciel sera plus bleu sur la seconde partie de l’année. La plupart des analystes y croient et anticipent un fort rebond au cours des trimestres prochains, grâce à la sortie du confinement et à la reprise d’une vie à peu près normale.
L’Insee prévoit un rebond 19 % pour le troisième trimestre. Même les analystes plus prudents anticipent des hausses d’activités qui compenseront peu ou prou la baisse du deuxième trimestre : Natixis annonce une hausse de 16 % et la Banque de France, de 14 %. Et sur l’ensemble de l’année, l’Insee table sur un recul de l’activité économique de 9 % cette année, alors que le gouvernement table sur une baisse de 11 %.
Mais si le troisième trimestre sera assurément meilleur, l’avenir restera largement dépendant de l’arrivée ou non d’une seconde vague de l’épidémie. Alors que jusqu’à maintenant le peu d’activité dans l’Hexagone est largement porté par la consommation des ménages, la dernière enquête sur le moral des ménages est venue rappeler, cette semaine, que la situation reste fragile. Et que les Français pourraient être prompts à préférer leur bas de laine au détriment de leur consommation.