Activité partielle, formation, dispositif de reconversion… le gouvernement multiplie les mesures pour tenter de répondre à la crise économique entraînée par la pandémie de coronavirus. Parmi elles, le prêt de main-d’oeuvre, un dispositif qui peine à trouver son public.
En théorie pourtant, il présente de multiples avantages. Quelle est la procédure à respecter ? Comment le gouvernement a tenté d’assouplir la mesure ? Les explications de CQFD.
1. En quoi consiste le dispositif ?
Le prêt de salarié, ou prêt de main-d’oeuvre, est l’une des mesures brandie par le gouvernement pour répondre à la crise économique liée à la pandémie de coronavirus. Grâce à ce dispositif, en place depuis 2011, « une entreprise rencontrant une baisse de son activité prête un de ses salariés à une entreprise en manque de main-d’oeuvre », explique le ministère de l’économie. Il avait pour but, à l’origine, de mettre fin au prêt de main-d’oeuvre informel, dont il ne subsiste aucune trace.
Les avantages sont potentiellement nombreux. Il permet non seulement « de préserver l’emploi et la rémunération du salarié », mais aussi, aux entreprises « de s’adapter aux aléas de la vie ». L’entreprise prêteuse peut ainsi conserver ses salariés et leurs compétences sans subir la charge d’un salaire. De l’autre côté l’entreprise d’accueil a recours à des personnes déjà formées et n’est pas contrainte d’embaucher dans une période incertaine, à l’instar de la pandémie de coronavirus.
2. Quelles sont les conditions à respecter ?
Plusieurs conditions doivent être réunies pour réaliser cet échange de bons procédés. Premièrement, l’accord du salarié est nécessaire. En outre, « un salarié refusant une mise à disposition auprès d’une entreprise ne saurait être sanctionné, licencié, ou faire l’objet de mesures discriminatoires », rappelle le ministère de l’Economie.
Deuxième grand principe, cette mise à disposition doit se faire dans un but non lucratif. En clair, l’entreprise prêteuse ne peut pas, sauf exception, sous-facturer le prêt de ses salariés. L’opération n’est pas faite pour permettre de générer une économie de coûts.
Par ailleurs, le salarié garde son contrat de travail. Son salaire sera toujours versé par l’employeur d’origine. L’entreprise qui accueille le salarié devra pour sa part rembourser, à l’entreprise d’origine, 100 % du salaire mais aussi les charges sociales liées et les frais professionnels du salarié.
3. Quelle est la procédure à suivre ?
Une fois l’accord du salarié obtenu, plusieurs étapes sont encore nécessaires. Les deux entreprises sont ainsi tenues de rédiger une convention de mise à disposition. Cette dernière indique, l’identité, mais aussi la qualification de l’employé, la durée du prêt, les salaires, charges sociales et frais professionnels.
Un avenant au contrat de travail est ensuite nécessaire. Il est signé par le salarié et précise, le travail confié dans l’entreprise d’accueil, les horaires, le lieu de travail et les caractéristiques du poste. Enfin, les CSE (comité social et économique) des deux entreprises doivent être mis au courant de la mise en place de cette procédure.
4. Comment le Covid-19 a-t-il fait évoluer la procédure ?
Pour faciliter le recours au prêt de main-d’oeuvre, le gouvernement a largement allégé, au cours de l’été, la procédure à suivre. Le ministère du Travail a ainsi mis en ligne des modèles d’avenant au contrat de travail et des conventions de mise à disposition.
Un gain de temps pour les entreprises qui peuvent aussi aujourd’hui signer une convention pour plusieurs salariés, là ou une convention individuelle était précédemment nécessaire. Avec la loi du 17 juin 2020, relative à la crise sanitaire, assouplie également, jusqu’au 31 décembre 2020, la mention des horaires. Enfin, les comités sociaux peuvent être prévenus, jusqu’à un mois après la signature de la convention.
Mais la principale nouveauté réside sur le caractère non lucratif du dispositif. Ainsi, jusqu’au 31 décembre, lorsque les entreprises utilisatrices relèvent de secteurs d’activité « nécessaires à la Sécurité de la Nation » et « à la continuité de la vie économique et sociale », les opérations sont considérées comme n’ayant pas de but lucratif, même lorsque le montant qui leur est facturé est inférieur aux salaires versés aux salariés. Un décret, publié le 30 octobre, liste ces secteurs.
5. Est-ce efficace ?
Pour le moment, ce dispositif reste assez peu employé. Un premier frein réside dans la difficulté à faire le lien entre les entreprises. Plusieurs initiatives locales ont vu le jour depuis le début de la crise sanitaire. La région Pays de la Loire a ainsi lancé une plateforme permettant le prêt de salariés. Même logique du côté de la fédération patronale de la métallurgie (UIMM), qui a ajouté une nouvelle fonctionnalité à sa plateforme d’offre d’emploi pour le prêt de main-d’oeuvre. David Derré, le directeur formation auprès de la fédération, concède auprès de l’AFP que cela « reste relativement modeste par rapport à l’ampleur de la crise ».
« Ce type d’outils n’a pas vocation à tout résoudre », mais « fait partie de la palette de solutions », avec la formation, l’activité partielle ou encore les dispositifs de reconversion. Cela ne peut pas être un dispositif « massif », « on est dans la dentelle », insiste-t-il. Reste à expliquer le cadre juridique et lever les freins, alors que « beaucoup craignent de ne pas voir revenir leurs salariés », qui pourraient être débauchés par l’entreprise d’accueil.