C’est avec le sourire que Bruno Le Maire a abordé, ce mardi matin, son audition à l’Assemblée nationale, au lendemain de l’annonce d’une proposition franco-allemande sur un fonds de solidarité européen de 500 milliards d’euros financé par une dette commune .
Le projet, défendu à l’origine par la France et les pays d’Europe du Sud , constitue une nouvelle pierre de la réponse européenne à la crise du coronavirus, après un premier accord le mois dernier sur l’utilisation du mécanisme européen de stabilité, le financement du chômage partiel et l’offre de prêts de la BEI. Mais il s’agissait exclusivement de prêts et de garanties. Cette fois, « nous mutualisons les taux d’intérêt. Nous marquons la solidarité entre Etats vis-à-vis des pays les plus touchés et qui ne sont pas responsables de cela », a réagi le ministre, auditionné par la commission des finances et celle des affaires européennes à l’Assemblée nationale.
Aide au chômage partiel
Bruno Le Maire a d’ores et déjà annoncé que la France aurait recours à ces nouveaux outils. La France devrait ainsi faire appel au mécanisme européen « Sure » pour le financement du chômage partiel. Ce recours, dont les modalités sont encore en discussion, devrait alléger une facture du chômage partiel particulièrement salée en France (26 milliards estimés dans le dernier budget rectificatif), en raison d’un arrêt de l’activité plus marqué que dans les Etats d’Europe du Nord.
Alors même que la proposition franco-allemande n’a pas encore été débattue par les autres Etats membres, le ministre a déjà expliqué comment ce fonds de relance pourrait être utilisé : « Ces 500 milliards d’euros gérés par la Commission européenne pourront financer des programmes existants dans le tourisme, l’aéronautique, l’automobile », a-t-il déclaré devant les députés, donnant l’exemple des décolleteurs de la vallée de l’Arve, dépendants du secteur automobile.
C’est justement pour ces secteurs que Bercy prévoit un plan de soutien, dans le cadre d’un nouveau budget rectificatif attendu pour mi-juin. Enfin, les prêts de la BEI pourraient être utilisés pour rénover l’hôpital et pour soutenir l’écosystème de start-ups françaises face à l’appétit de rachats des géants du numérique, estime-t-il.
La France bénéficiaire
Si l’impact de ces instruments sur les finances publiques françaises peut grandement évoluer selon l’issue des négociations avec les Etats membres, les propos du ministre laissent supposer que la France (très touchée sanitairement et économiquement) devrait faire partie des bénéficiaires. Ceci constituerait – au moins pour quelques années – un renversement majeur par rapport à la situation actuelle où la France est contributeur net du budget de l’Union européenne, à hauteur de 7 milliards par an environ.
Tout dépendra des critères d’éligibilité au fonds de 500 milliards et de l’allocation des fonds, qui vont faire l’objet d’âpres négociations dans les prochaines semaines. « Vous serez éligible en fonction de l’impact du Covid, vous rembourserez en fonction de votre capacité de remboursement. Il y aura bien un transfert budgétaire », a indiqué Bruno Le Maire.
Reste que la proposition de la Commission européenne, attendue la semaine prochaine, ne reprendra pas en totalité l’accord présenté lundi par Paris et Berlin. Elle va devoir trouver un compromis avec des pays beaucoup moins emballés par la perspective de transferts budgétaires accrus. L’accord franco-allemand « est un accord décisif mais il restera à emporter la conviction d’autres Etats membres, en particulier de quatre Etats : l’Autriche, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas », a déclaré Bruno Le Maire lors de son audition à l’Assemblée nationale. « Ce sera une partie difficile, il ne faut pas se le cacher », a-t-il ajouté.