La crise n’a pas mis les douaniers au chômage. Si les restrictions imposées par l’épidémie de Covid-19 ont fait plonger la fréquentation de Roissy-Charles-de-Gaulle de 70 % l’an dernier, les marchandises, elles, ont continué d’affluer. La chasse aux contrefaçons n’a dès lors pas faibli. Résultat : plus de 2 millions de produits contrefaisants ont été saisis dans le principal aéroport de France.
Le bilan de l’année 2020 que la Direction des douanes a publié ce lundi fait état d’une hausse de 20 % des saisies dans tout l’Hexagone. Au total, 5,64 millions de copies sont tombées entre les mains des agents des Douanes. Le rapport souligne que 62 % des constatations ont été faites dans les bureaux de fret express et postal, dont une large part à Roissy.
Comprimés de faux Viagra
Dans le « hit-parade » des contrefaçons, les vêtements, chaussures et accessoires arrivent en tête (environ 800.000 saisies), devant les jeux et jouets (473.000), les équipements électroniques (172.000) et les médicaments (120.000).
En janvier 2020, la brigade de Nogent-sur-Marne a notamment réalisé une prise exceptionnelle en interceptant un camion arrivant du port d’Anvers et contenant pas moins de 70.000 paires de chaussures imitant des modèles Dior, Reebok, Adidas et Palladium. Parmi les autres trouvailles marquantes de l’année, figurent de fausses cartes Pokémon, des copies de timbres de La Poste, des coques de téléphones d’imitation Samsung et Apple ou encore de faux comprimés de Viagra.
Saisies douanières : les sachets de stupéfiants reprenant les codes de marques pour enfants font fureur ! pic.twitter.com/2ZmG4w61Gr
— isabelle couet (@icouet) February 22, 2021
Contrefaçons de timbres saisies par les douanes pic.twitter.com/ldnD3H3gLy
— isabelle couet (@icouet) February 22, 2021
La crise sanitaire a étoffé l’offre. « Certains dispositifs médicaux et médicaments ont été particulièrement ciblés par les contrefacteurs », indique la Direction des douanes, qui souligne que des copies de masques de protection respiratoire chirurgicaux, FFP2 ou FFP3 ont été relevées dans plusieurs pays européens.
En France, 272.000 masques de protection contrefaits ont été saisis. « La fraude majeure sur ce type de produit a été relevée sur le fondement de la non-conformité aux normes en vigueur », explique la Direction des douanes. Des fabricants de textile ont aussi saisi l’opportunité de la crise sanitaire : des masques en tissu arborant de faux logos de grandes marques ont circulé, notamment via Internet.
Organisations du Darknet
Face à l’importance prise par les délits de contrefaçon (qui peuvent être sanctionnés d’une amende et d’une peine d’emprisonnement), les douanes et le ministère de l’Economie ont annoncé, ce lundi, le lancement d’un nouveau plan d’action. Olivier Dussopt, le ministre délégué aux Comptes publics s’est rendu à Roissy pour le présenter. L’enjeu est de « préserver la capacité des entreprises à créer des emplois et à innover », et de « combattre les grands trafics qui menacent la santé et la sécurité des consommateurs ».
Objectif ? Faire évoluer les moyens techniques de la douane pour qu’elle s’adapte à la spectaculaire montée en puissance du commerce en ligne dans le trafic d’articles de copie. L’une des priorités consiste à étendre le réseau des cyber douaniers, ces experts capables d’infiltrer et de démanteler les organisations clandestines intervenant sur le Darknet . L’an dernier, les équipes «cyber» ont pu mener trois «coups d’achats» juqu’à leur terme. Ces opérations, qui nécessitent l’accord du Parquet, permettent à des agents de se faire passer pour des acheteurs afin de remonter jusqu’aux fournisseurs.
Dans la même veine, Bercy entend redynamiser la collecte du renseignement et le contrôle des envois postaux et du fret express. Par ailleurs, alors qu’une décennie s’est écoulée depuis le retentissant feuilleton judiciaire opposant eBay et LVMH (propriétaire des « Echos »), l’objectif d’une meilleure coopération des places de marché en ligne et des réseaux sociaux reste entier.
Si la lutte contre la contrefaçon trouve désormais un écho au niveau européen, avec le « Digital Act Services », qui doit imposer des obligations de transparence et de traçabilité des vendeurs aux plateformes en ligne, et avec le plan d’action de l’Union européenne en faveur de la propriété intellectuelle, certains jugent qu’il faut aller plus loin. L’Union des fabricants (Unifab), qui représente plus de 200 entreprises et fédérations professionnelles touchées par la contrefaçon, exhorte la Commission européenne à durcir le ton face aux acteurs du numérique.