La première phase de la crise du coronavirus , celle de l’organisation des secours à l’économie, pour éviter l’effondrement de la production et la suppression de centaines de milliers d’emplois, est terminée. La seconde commence, celle de la reprise de l’activité. Les Gracques, ce groupe de réflexion formé de décideurs économiques de tendance sociale-libérale, ont envoyé le week-end dernier une note à l’Elysée et Matignon qui tente de définir les conditions de retour à un fonctionnement normal de l’économie. « Il s’agit de propositions sur le plan microéconomique, pas forcément coûteuses, destinées à reconstruire la confiance des entreprises et des ménages », explique Bernard Spitz, leur président.
La sécurité sanitaire des salariés
Première préoccupation, la sécurité des salariés , sans laquelle aucune reprise n’est possible. « En matière de sécurité, l’Etat ne doit pas être l’arbitre qui décide. Il doit accompagner les entreprises et les salariés et n’intervenir qu’en cas d’absence d’accords entre les partenaires sociaux », considère Philippe Crouzet, ancien président du directoire de Vallourec. « Des règles qui tombent d’en haut et s’imposent uniformément et partout, cela ne peut pas marcher. Il est préférable que l’Etat s’en tienne à la publication d’un protocole sanitaire au travers de principes généraux en laissant la négociation sociale se faire au niveau de l’entreprise », poursuit Pierre Cunéo, vice-président chez Thalès.
La construction , un secteur important, qui a connu un violent coup de frein, fait l’objet de beaucoup d’attentions. Avec deux urgences. D’abord, « tous les travaux qui exigent des autorisations administratives ont pris du retard. Les services des municipalités doivent donc réenclencher le processus pour les permis de construire », insiste Fabrice Aubert, secrétaire général de Nexity. Ensuite, les Gracques militent pour que la commande publique prenne vite le relais après l’hibernation de deux mois. De nombreuses PME en dépendent.
L’engorgement de la justice
Autre sujet, l’engorgement à venir des tribunaux avec la multiplication attendue des faillites et des litiges commerciaux. « Après la grève des barreaux contre la réforme des retraites et le confinement, le stock d’affaires non traitées représente près de six mois d’activité », souligne Stéphanie Fougou, secrétaire générale d’Ingénico. Les Gracques proposent donc de simplifier et d’accélérer certaines procédures.
« Pour les liquidations judiciaires, une procédure normale prend quatre mois. Dans certains cas, pour les TPE, quand il est évident que l’actif est inexistant, il faudrait permettre au juge de prendre une décision en quelques jours », estime celle qui est aussi présidente d’honneur de l’Association française des juristes d’entreprise. Pour désengorger les juridictions, Stéphanie Fougou propose aussi de donner temporairement aux professionnels du droit tels que les avocats, les notaires et les huissiers le pouvoir de donner force exécutoire aux accords de médiation signés dans le cadre de litiges entre professionnels et particuliers.
La diminution des retards de paiement des factures entre entreprises est aussi vitale. Une douzaine de grandes entreprises se sont déjà engagées à accélérer le paiement de leurs sous-traitants. Les Gracques conseillent d’inciter à cette pratique vertueuse, par exemple en donnant accès aux donneurs d’ordres qui s’engagent à des prêts garantis par l’Etat à plus de 90 %. Enfin, si l’on veut éviter que les assureurs-crédit ne réduisent leurs couvertures, il va falloir les soutenir. « Il n’est pas moins légitime que l’Etat aide un assureur-crédit dont le bon fonctionnement est essentiel pour les relations entre toutes les entreprises, que d’en aider une seule, fut-elle Renault », fait valoir Philippe Crouzet.