Coronavirus : la tentation des baisses de salaire devrait rester circonscrite

A chaque crise, le sujet resurgit. Mais en réalité, peu d'entreprises devraient cette fois encore avoir recours aux baisses de salaire qui visent à régler un problème de compétitivité là où l'enjeu est aujourd'hui surtout dans le carnet de commandes et la trésorerie.


French Labour Minister Muriel Penicaud leaves the Elysee presidential Palace after attending the weekly cabinet meeting in Paris on February 26, 2020. (Photo by Ludovic Marin / AFP)

Travailler autant, voire plus, pour gagner moins en échange d’un maintien de l’emploi… Le sujet resurgit à chaque crise. Au milieu des années 1990, déjà ; après la crise de 2008, aussi. Le voici de nouveau sur la table. La ministre du Travail l’a amené en douceur. « Quand une entreprise passe un passage difficile, en général la seule solution c’est le [plan de sauvegarde de l’emploi] », a regretté mardi Muriel Pénicaud sur BFM Business. L’accord de performance collective, introduit en 2017, « permet de dire : « On va discuter le temps de travail, ou les rémunérations, ou l’organisation du travail… » en contrepartie de ne pas licencier. »

A ranger, donc, dans la boîte à outils pour faire face à la crise économique provoquée par l’épidémie de Covid-19. Tout comme le dispositif de réduction temporaire du temps de travail aidée par l’Etat baptisé désormais « activité réduite pour le maintien de l’emploi ».

Manque de chance, l’actualité est aussitôt venue éclairer le sujet sous un autre angle avec la menace de Ryanair de licencier 27 salariés si le syndicat de l’entreprise – FO – n’acceptait pas de signer un accord de baisse des salaires. Muriel Pénicaud comme le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, ont dénoncé un « chantage », la ministre du Travail affirmant que l’ « esprit » des accords de performance collective « n’est pas du tout celui qu’utilise Ryanair ». Le week-end dernier, c’est « L’Equipe » qui annonçait envisager une baisse de salaire. Reste aussi en mémoire d’autres expériences qui ont mal tourné, comme chez Continental, où après avoir accepté de passer les salariés aux 40 heures sans supplément de salaire, l’usine a mis la clef sous la porte.

256 APC au 1er janvier 2020

Ce qui est sûr, c’est que la création par la réforme du marché du travail de 2017 des accords de performance collective (APC) a facilité grandement l’opération, en particulier dans les petites entreprises sans syndicats, mais aussi pour les autres. Pour autant, de tels accords n’ont pas fleuri jusqu’à présent. Le ministère du Travail a décompté 256 APC au 1er janvier 2020. Selon une étude réalisée par la chercheuse Hélène Cavat, doctorante à l’Université Paris-Nanterre (IRERP), sur les 119 comptabilisés en 2018, dont beaucoup dans des PME, la moitié traitait de la rémunération dont un tiers, soit environ 20, prévoyaient sa baisse. 

Pas sûr que la crise ne provoque une envolée des cas de baisses de salaire. « On a de la prolongation de chômage partiel, le vitrage auto et aéronautique regardent du côté de l’Activité réduite pour le maintien de l’emploi et d’autres comme l’emballage qui étaient déjà en surcapacité pourraient ouvrir des discussions sur des restructurations, mais pas de baisse de salaire », note Mohammed Oussedik, de la fédération Verre-Céramique de la CGT.

« Pour l’instant, on n’a pas d’écho d’une poussée de ce type de mesures », confirme Philippe Portier, secrétaire national en charge du sujet à la direction de la CFDT, qui souligne la nécessité d’expertiser la motivation de l’APC et de veiller à une clause de retour à meilleure fortune. Du côté de sa fédération des services, on a tout de même préparé un vade-mecum sur le sujet et on a commencé à sensibiliser les militants « au cas où ».

Vers des plans sociaux durs

« Cela ne concerne qu’une minorité d’entreprises », confirme Raymond Soubie , l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy à l’Elysée et président du groupe de conseil en stratégie sociale Alixio. Selon lui, « le sujet central qui est devant nous, ce ne sont pas les salaires mais l’emploi ».« On commence à soulever la cloche, on n’en est qu’au début », alerte l’expert, qui s’attend à des plans sociaux durs, malgré le prolongement du dispositif de chômage partiel.

« Les APC visent plus un problème de compétitivité et de productivité que de demande, les problèmes de trésorerie ou de baisse du plan de charge ; les justifier par la crise relève de l’effet d’aubaine », souligne Pierre Ferracci, le président du groupe Alpha, spécialisé dans le conseil aux CSE qui pointe côté salaires plutôt une tendance à la modération voire à l’austérité qu’à la baisse.


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