On s’attendait à un plongeon inédit des comptes de la Sécurité sociale en 2020, du fait l’ampleur de la crise provoquée par l’épidémie de coronavirus . C’est effectivement « du jamais vu », a confirmé Gérald Darmanin ce mercredi devant la commission des Affaires sociales du Sénat. Le ministre de l’Action et des Comptes publics a annoncé que le déficit de la Sécurité sociale devrait s’élever à 41 milliards d’euros en 2020, en additionnant le régime général et le fonds de solidarité vieillesse. La prévision initiale était de 5,4 milliards d’euros . Le déficit de 2019 s’était établi à 1,9 milliard.
Dans la mesure où cette déflagration budgétaire a « un caractère exceptionnel et changeant », il n’y aura pas de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative, a-t-il indiqué. Le gouvernement en a le droit, car les crédits votés ne sont qu’indicatifs et non limitatifs comme ceux du budget de l’Etat. Le plafond d’endettement de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) a été relevé à 70 milliards d’euros fin mars afin d’éviter tout problème de trésorerie. On « dépasse le plafond autorisé en temps de paix », selon le mot du ministre. La dette stockée s’y élève actuellement à 45 milliards.
« Des chiffres qui peuvent donner le tournis »
Ce déficit abyssal est plus élevé encore que le record de 28 milliards d’euros survenu en 2010, deux ans après l’éclatement de la crise financière. Ce sont « des chiffres qui peuvent donner le tournis », a reconnu Gérald Darmanin. Pourtant, il s’agit d’une « hypothèse favorable ». « Nous sommes partis du principe que l’ensemble des 14 milliards de charges patronales reportées ces deux derniers mois seraient payées d’ici à décembre 2020 », a expliqué Gérald Darmanin. Ce qui ne sera pas le cas, a souligné le ministre.
Il sera difficile pour de nombreuses entreprises de régler deux fois des cotisations lors du retour à la normale. Le gouvernement travaille surtout à des annulations de charges patronales pour certains secteurs , comme le tourisme ou la restauration.
Quant aux causes de la dégradation des comptes sociaux, il s’agit principalement de 20 milliards de baisses de recettes liées au coup d’arrêt de l’activité (cotisations et CSG), un recul de 7,5 % de la masse salariale étant désormais attendu, et de 11 milliards de baisses des recettes fiscales affectées à la Sécurité sociale.
« Pas de crainte particulière pour la situation des hôpitaux »
Il s’y ajoute 8 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. La moitié a été affectée à Santé publique France, l’organisme en charge des crises sanitaires, dont le budget était précédemment de… 150 millions d’euros par an. Trois milliards ont été versés aux établissements de santé – qui bénéficieront aussi des achats de masques, blouses ou respirateurs par Santé publique France. Un peu plus de 1 milliard d’euros est fléché vers la prise en charge des indemnités journalières pour les arrêts de travail dérogatoires .
« Je n’ai pas de crainte particulière pour la situation des hôpitaux », a affirmé Gérald Darmanin, car ils sont « soutenus en trésorerie » et bénéficieront de la reprise de dette de 10 milliards d’euros décidée avant la crise. En revanche, la baisse de l’activité en soins de ville est « extrêmement importante », a déploré le ministre. Malgré cela, l’évolution de l’objectif de dépenses d’assurance-maladie serait de 6,5 % (au lieu des 2,45 % votés).
Par ailleurs, hors champ de la Sécurité sociale, les dépenses de l’Unédic vont bondir du fait de la prise en charge d’un tiers des dépenses de chômage partiel par cet organisme social (deux tiers étant réglés par l’Etat). Le seuil de 10 millions de salariés couverts vient d’être franchi, et 2 millions d’assurés supplémentaires , actuellement en arrêt de travail, pourraient basculer dans ce régime en mai. La dette de l’Unédic, qui s’élevait à 37 milliards d’euros fin 2019, devrait ainsi s’alourdir à au moins 47 milliards d’euros dès juin, selon Gérald Darmanin (8,6 milliards de dépenses d’activité partielle, 1,5 milliard de moindres recettes). Un chiffre vertigineux de plus.