A quoi ressembleraient les sinistres courbes du coronavirus en l’absence de nouvelles mesures restrictives ? Dans sa note d’alerte datée du 22 septembre, mais dont l’exécutif a retenu la publication jusqu’à ce jeudi soir, le Conseil scientifique donne un petit aperçu de la catastrophe. Ces projections, teintées d’incertitude comme tout ce qui se rapporte à ce virus, sont d’ores et déjà faussées par la fermeture des bars et restaurants à Marseille et en Guadeloupe depuis dimanche 27 septembre, ainsi que par la fermeture anticipée des bars dans la plupart des grandes villes dès le lendemain.
Elles donnent néanmoins une idée claire de la dynamique de la deuxième vague, avec des Français qui se contaminent moins (1,4 personne infectée par porteur au lieu de 2,9 en mars), mais un niveau de contamination élevé sur l’ensemble du territoire – il n’y a plus aucun endroit où s’abriter. Elles devraient également inciter à accepter les sacrifices actuels , car en prolongeant les courbes, on aboutit au reconfinement.
2.000 à 5.000 décès potentiels en Ile-de-France
Ainsi, s’appuyant sur les modélisations de l’Institut Pasteur, le Conseil scientifique montre qu’avec le doublement des hospitalisations tous les seize jours observé récemment, il y aurait entre le 25 septembre et le 1er novembre environ 14.000 hospitalisations en Auvergne-Rhône-Alpes, 20.000 en Ile-de-France, 7.000 en Nouvelle Aquitaine, 6.000 en Paca, 3.000 en Occitanie.
Ces hospitalisations entraîneraient de nombreux décès. Pendant la première vague, 25 % des hospitalisés décédaient, contre 12 % aujourd’hui, ce qui peut s’expliquer par une structure d’âge plus jeune et une meilleure prise en charge.
Le risque serait d’avoir entre 1.600 et 3.500 décès en Auvergne-Rhône-Alpe, 2.000 à 5.000 en Ile-de-France, 700 à 1.600 en Nouvelle-Aquitaine, 400 à 800 en Occitanie et 700 à 1.500 en Paca, hors surmortalité en Ehpad et non-Covid. « Par ailleurs, sans changement, la dynamique de croissance se poursuivra au-delà du 1er novembre avec un bilan qui continuera à s’alourdir avec le temps », précise le Conseil.
Diminuer de moitié la mortalité
Mais le Conseil scientifique n’est pas là pour casser le moral des Français. Au contraire, dit-il, « un objectif de ralentissement de la circulation du virus est encore possible », et il suffirait même d’un effort marginal par rapport à tout ce qui a déjà été accompli. Si chaque contaminé n’infectait qu’une seule autre personne, au lieu de 1,4, on éviterait 900 à 1.900 décès en Auvergne-Rhône-Alpes, 1.200 à 2.500 en Ile-de-France, 400 à 900 en Nouvelle-Aquitaine, 200 à 400 morts en Occitanie et 300 à 700 morts en Paca, d’ici au 1er novembre. Bref, à peu près moitié moins qu’attendu.
Comment faire ? Le Conseil scientifique n’a pas de baguette magique, mais ne croit pas à l’efficacité du seul cordon de sécurité autour des plus vulnérables, et redoute un couvre-feu ou un reconfinement. Son scénario préféré, c’est un bouquet de mesures déjà appliquées, avec plus ou moins de succès : protection des plus fragiles, des Ehpad, recours au télétravail, limitation de la taille des rassemblements et réduction volontaire des contacts personnels.
« Une obligation ferme, mais sans sanction, peut ainsi contribuer à limiter, pour une même personne, le nombre de contacts par jour sans gestes barrières à un nombre maximal qui peut être variable en fonction du contexte local », explique le Conseil, sans préciser la taille de cette bulle sociale. Comme cela n’ira pas de soi pour tout le monde, il prévoit « des contrôles assortis de sanctions » en cas de « rassemblements privés dans des habitations manifestement trop nombreux ou trop denses ».