La crise va effacer 840.000 emplois cette année prédit l’Insee . De quoi reléguer en arrière-plan le problème, très prégnant dans les mois d’avant confinement, des difficultés de recrutements sur certains métiers ? Pas vraiment.
Non seulement ces tensions sont revenues avant leur niveau d’avant la crise sanitaire pour certains postes – chefs de chantiers ou conducteurs de travaux par exemple. Mais elles constituent un frein potentiel pour la reprise, estime le ministère du Travail dans une étude publiée jeudi.
Décidé à prendre le taureau par les cornes, Matignon a inscrit le sujet à l’ordre du jour, déjà très fourni, des concertations avec les partenaires sociaux. Les échanges ont d’ailleurs démarré dès lundi, lors de la deuxième séance durant laquelle syndicats et patronat ont pu découvrir un nouvel outil de mesure, annuel pour l’instant, décliné sur 186 métiers et jusqu’au territoire.
Plusieurs indicateurs
Développé par la Dares, la direction statistique du ministère, et Pôle emploi, cet outil fournit un indicateur principal, nourri notamment par le nombre d’offres d’emploi par chômeur sans activité. A cela s’ajoutent six indicateurs complémentaires susceptibles d’éclairer sur les causes de ces tensions : volume des embauches, conditions de travail, qualité des emplois proposés ou encore manque de main-d’oeuvre disponible.
Sans surprise, compte tenu de l’amélioration du marché du travail continue jusqu’au confinement, il en ressort que les tensions n’ont jamais été aussi fortes depuis 2011 que l’année dernière. Sur les trois premières marches des métiers les plus difficiles à pourvoir on trouvait en premier celui de dessinateur en électricité ou électronique, suivi de celui de technicien en mécanique et travail des métaux, puis d’ingénieur du bâtiment et des travaux publics, chef de chantier et conducteur de travaux.
Trois questions
Tel que conçu, cet outil ne peut pas éclairer ce qu’il en sera en 2020 même s’il est très probable que, compte tenu de la chute des embauches notamment, l’indicateur national tous métiers confondus soit en baisse, estime la Dares. Reste que l’impact de la crise n’est pas le même dans chaque profession ou chaque territoire. « Il existe des tensions sur des métiers dont on parle depuis des décennies et qu’on ne résorbe pas parce que les acteurs se désignent les uns les autres », souligne-t-on dans l’entourage de la ministre du Travail, Elisabeth Borne.
Le chantier est vaste, mais certains s’interrogent sur le calendrier visé, premier semestre 2021 a priori même si cela n’a pas été indiqué officiellement. De la séance de concertation lundi, syndicats et patronat sont ressortis avec trois questions sur lesquelles le ministère leur a demandé de plancher : par quelles branches professionnelles démarrer parmi les plus concernées (une demi-douzaine maximum), comment travailler avec elles (sous le pilotage de l’Inspection générale des affaires sociales ou d’une personnalité qualifiée) et à quelle date fournir des plans d’actions ?
Chaque confédération doit donc contacter ses fédérations pour fournir une liste de candidats, tout cela dans un délai très court, arrêter une méthode avant de plonger dans le fond du problème, branche par branche. Avec, déjà, quelques interrogations comme sur le fait que le salaire n’ait pas été pris en compte dans l’outil de la Dares et de Pôle emploi, souligne Karen Gournay, secrétaire confédéral à FO.