Et c’est reparti pour un tour. « A 21 heures, chacun devra être chez soi », a résumé le Premier ministre Jean Castex, sur un ton légèrement paternaliste, lors d’une conférence de presse jeudi après-midi.
L’instauration d’un couvre-feu dans neuf agglomérations du pays dès samedi destinée à enrayer la progression de l’épidémie de Covid-19 aura moins de conséquences sur l’économie que le confinement du printemps dernier, mais certains secteurs, comme la restauration et la culture, vont souffrir . « Cette mesure va avoir un impact direct sur des dizaines de milliers d’entreprises », a reconnu le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Et l’Etat, « qui est là pour vous protéger », a insisté Jean Castex, va une nouvelle fois se porter au chevet des secteurs sinistrés.
Avec une philosophie qui ne change pas depuis le début de la pandémie. Le « quoi qu’il en coûte » lancé par le chef de l’Etat en mars dernier « reste valable », a fait valoir Bruno Le Maire. « Nous estimons qu’il est moins coûteux de soutenir les entreprises qui font face à des difficultés et de soutenir les salariés par le chômage partiel plutôt que d’avoir à gérer des dizaines de milliers de faillites et des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires », estime le ministre, qui chiffre à 1 milliard d’euros le coût pour les finances publiques des nouvelles aides (exonérations de charges et fonds de solidarité) pendant la durée du couvre-feu.
Il est vrai aussi que l’acceptation des restrictions devient de moins en moins évidente, surtout par certains patrons. Les fédérations professionnelles du secteur hôtellerie-cafés-restauration (HCR) ont ainsi fustigé le couvre-feu, qui « équivaut à une refermeture des établissements ». Et elles ont réclamé une prise en charge intégrale des pertes, jugeant que les dispositifs précédents ne le permettaient pas.
Fonds de solidarité renforcé
Premier étage du dispositif de soutien public, le fonds de solidarité est renforcé. Toutes les entreprises de moins de 50 salariés installées dans les zones de couvre-feu et qui ont subi une baisse de plus de 50 % de leur chiffre d’affaires pourront bénéficier d’une aide allant jusqu’à 1.500 euros par mois pendant la durée du couvre-feu.
Ensuite, les entreprises de moins de 50 salariés de l’hôtellerie-restauration et des autres secteurs les plus impactés (culture, événementiel, sport) seront éligibles à l’aide du fonds de solidarité allant jusqu’à 10.000 euros par mois en cas de perte de chiffre d’affaires d’au moins 50 %, et non plus une condition de perte de chiffre d’affaires de 70 % comme c’était le cas jusqu’à présent.
Deuxième étage, le plus important : les entreprises dont l’activité est affectée par le Covid-19 et les restrictions pourront bénéficier d’exonérations de charges sociales. Les entreprises fermées administrativement bénéficieront d’une exonération totale de leurs cotisations sociales patronales et salariales jusqu’à la fin du couvre-feu. Et celles de l’hôtellerie-restauration qui restent ouvertes dans les zones de couvre-feu seront exonérées de cotisations sociales patronales, si leurs ventes sont divisées par deux ou plus. Une aide supplémentaire qui pourra représenter jusqu’à 20 % de la masse salariale leur sera aussi apportée pour couvrir le poids des charges salariales.
Reprise pénalisée
Le guichet des prêts garantis par l’Etat à 90 % est en outre prolongé. Les entreprises pourront y recourir jusqu’au 30 juin prochain alors que ce dispositif, qui a déjà permis de financer le tissu productif à hauteur de 120 milliards d’euros, devait s’arrêter initialement à la fin 2020. Bercy a aussi demandé à la Fédération bancaire française d’examiner un report d’un an du remboursement de ces prêts pour les entreprises en grande difficulté.
Conscient de l’exaspération des professionnels, Bruno Le Maire a enfin assuré que leurs demandes spécifiques supplémentaires seraient examinées urgemment, se disant notamment « prêt à regarder un crédit d’impôt pour les bailleurs » afin de les inciter à des gestes sur les loyers. La question des loyers est « très compliquée », a noté le ministre de l’Economie, mais « nous avons une obligation de résultats ». La prise en charge des congés payés, notamment dans le HCR, va aussi être examinée avec Elisabeth Borne, rue de Grenelle.
Reste que, si le coût facial pour les finances publiques de ces mesures paraît relativement limité au premier abord, l’important n’est pas là. Cette nouvelle salve de restrictions pourrait ralentir considérablement le rebond de l’activité. En effet, l’épargne accumulée depuis le début de la crise par les Français les plus aisés l’a été parce que ces ménages ont peu dépensé dans les restaurants, dans le tourisme, les loisirs et la culture, etc. Le couvre-feu va mécaniquement accentuer cette tendance à épargner et donc pénaliser la reprise d’ici la fin de l’année.