Il y a les hésitants et il y a ceux qui sont déterminés à ne pas se faire vacciner, que le gouvernement observe comme le lait sur le feu. De nouveaux rassemblements sont prévus ce samedi dans toute la France pour protester contre le pass sanitaire et l’obligation vaccinale des soignants . Le week-end dernier, plus de 114.000 personnes ont dénoncé une « dictature sanitaire » , comparant même parfois le gouvernement aux nazis. Parmi les manifestants, certains protestent contre les restrictions de liberté ; d’autres ne veulent tout simplement pas entendre parler du vaccin. Et leur radicalisation inquiète jusqu’au sommet de l’Etat.
Selon un récent sondage Ecoscope OpinionWay – « Les Echos » , 16 % des Français n’ont « pas l’intention de se faire vacciner ». Notamment des femmes, des moins de 35 ans et, surtout, des Français issus des catégories populaires.
Classes populaires sans pass sanitaire
C’est aussi ce que montre une enquête de grande ampleur menée par des chercheurs de l’Inserm et du CNRS sur 86.000 personnes. Elle a été réalisée en novembre dernier, au moment où les premiers vaccins étaient développés, mais d’après Alexis Spire, directeur de recherche au CNRS et coauteur de l’étude, elle est toujours pertinente pour mieux comprendre les caractéristiques sociales des hésitants et des réfractaires envers le vaccin.
« Plus on est bas dans la hiérarchie sociale, plus on est réticent à la vaccination en général et contre le vaccin Covid-19 en particulier », selon les auteurs de l’étude. Ainsi, 17 % des ouvriers déclaraient qu’ils ne se feraient certainement pas vacciner contre le Covid. Contre 8 % des cadres supérieurs. Le résultat est proche chez OpinionWay : 24 % des ouvriers et employés n’ont pas l’intention de se faire vacciner, soit le double des CSP dites « supérieures ».
Il vaudrait mieux essayer de convaincre plutôt que de menacer.
Alexis SpireDirecteur de recherche au CNRS
Le problème, selon Alexis Spire, est que le pass sanitaire sera probablement inefficace pour une partie de ces réfractaires à la vaccination : « Toute une partie de la population ne va pas au restaurant, au cinéma, au théâtre, ne prend pas le train, ni l’avion, rappelle-t-il. Pour toucher les réticents des classes populaires, du monde ouvrier et des zones périurbaines, il vaudrait mieux essayer de convaincre plutôt que de menacer. »
Selon lui, les mesures prises par l’exécutif vont surtout servir à faire basculer les méfiants issus des classes moyennes et supérieures. Et vont donc accentuer la fracture sociale de la vaccination : « C’est un paradoxe car, dans le même temps, les plus pauvres sont les plus exposés au Covid-19. »
2.000 médiateurs
Le critère qui différencie le plus les hésitants des réfractaires est la confiance dans le gouvernement. « Le rapport au vaccin est un rapport au corps, à la santé, à la technique », souligne Alexis Spire, selon lequel « les réticences à l’égard des autres vaccins sont beaucoup moins liées à la confiance dans le gouvernement ».
Refuser le vaccin, un signe de protestation contre le gouvernement ? « Pas en majorité, répond le chercheur. Ils refusent la politisation. Le gouvernement a fait de la vaccination un impératif de la reprise économique, sauf que pour eux, il faudrait prendre son temps. » Selon lui, beaucoup ont peur que les standards scientifiques aient été sacrifiés à cause d’enjeux de politique économique. D’où l’importance d’informer ces catégories de population sur le vaccin.
A la demande des Agences régionales de santé, 2.000 médiateurs de lutte anti-Covid sont déployés sur le territoire par des associations comme la Croix Rouge. Ils ne sont pas nombreux mais peuvent sensibiliser à la vaccination. « Sur le terrain, les gens demandent : ‘A quoi ça sert ?’, ‘Ca va m’apporter quoi ? Je ne suis pas public à risque’ », détaille Florent Vallée, directeur adjoint des opérations Covid à La Croix Rouge. Mais les médiateurs ne sont pas chargés d’aller spécifiquement vers les populations éloignées du vaccin.