Covid : la campagne vaccinale met le cap sur la réduction des inégalités de santé

L'Assurance-maladie a croisé les bases de données de la vaccination et des pathologies, ce qui permet de visualiser en temps réel les inégalités d'accès au vaccin et les départements retardataires. Les inquiétudes sur la Seine-Saint-Denis se confirment, et vont entraîner des réponses ciblées des autorités sanitaires.


A woman rolls up her sleeves, in order to be vaccinated against Covid-19, by a doctor, at a Covid-19 vaccination centre for those deemed vulnerable or over 75 years old set up in a health centre of the French Primary health insurance fund - CPAM, in Bobigny on the outskirts of Paris on February 17, 2021. (Photo by Thomas SAMSON / AFP)

Au début de la campagne vaccinale contre le Covid, les Parisiens se passaient le mot : il y a encore des doses en Seine-Saint-Denis, courons-y ! Hélas, les Séquano-Dyonisiens, eux, ne se sont pas précipités. Seuls 23 % d’entre eux avaient reçu une première injection le 23 mai, contre 34 % des Français. Et moins de 10 % avaient achevé leur parcours vaccinal, contre 16 % au niveau national.

Simple conséquence de la part importante des jeunes dans ce département défavorisé ? Pas vraiment, puisque le retard du « 9-3 » se vérifie dans toutes les classes d’âge, y compris chez les jeunes. Mais le vrai souci, ce sont les personnes âgées , sur qui plane la menace d’une hospitalisation ou d’un décès lié au Covid : 71 % des plus de 75 ans du département étaient vaccinés le 23 mai, contre 79 % des Français.

Cancers, hypertension, retard mental, le grand écart

Grâce au croisement du fichier de la vaccination Vaccin Covid et du système national des données de santé et à la publication des chiffres en open data depuis vendredi, on peut désormais également suivre en temps réel l’évolution du taux de vaccination des populations les plus à risque en raison d’une comorbidité.

Là aussi, le département est à la traîne. Au 23 mai, seuls 37 % de ses habitants souffrant d’obésité « sévère » (avec un épisode d’hospitalisation) avaient reçu une injection, dix points de moins que la moyenne nationale. Le taux était de 58 % pour les cancers actifs du sein, soit onze points de moins. Pour les traitements hypertenseurs, l’écart était de 13 points (57 %) ; pour le retard mental, de 18 points (38 %).

Vaccination sans rendez-vous

« Il y a un décrochage dans l’accès au vaccin en Seine-Saint-Denis. C’est un problème fréquent de santé publique dans ce département », alerte Aurélien Rousseau, le directeur général de l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France. Vendredi, il a réuni en visioconférence le préfet et les maires des 40 communes pour organiser la riposte.

Résultat, ce week-end, certains centres de vaccination ont retardé l’heure de la fermeture pour prendre plus de monde. D’autres ont ouvert des plages de vaccination sans rendez-vous, alimentés par 15.000 doses supplémentaires pour samedi et dimanche.

« Si ça marche, poursuit le haut fonctionnaire, on étendra cette démarche à tous les centres du département, à part le stade de France ». L’expérience a déjà débuté à Villepinte, où le « vaccidrive » (l’injection se fait en libre accès sans sortir de sa voiture) a permis 1.200 vaccinations samedi.

Faire de la dentelle

Le département a longtemps eu une faible proportion de doses car elles étaient envoyées au prorata de la population âgée, peu importante, et parce que l’abaissement du plancher d’âge a été plus rapide que le renforcement de la dotation départementale en vaccins. « Mais le mois de juin sera décisif pour réduire la fracture vaccinale en Seine-Saint-Denis, avec 120.000 doses par semaine. L’ARS s’engage à fournir autant de doses que ce que l’on pourra ouvrir de capacités à vacciner », assure Aurélien Rousseau.

Cette mobilisation est à l’image du nouveau tournant que l’Assurance-maladie voudrait imprimer à la campagne vaccinale. « La politique consistant à aller vers les personnes âgées a très bien fonctionné, mais nous étions aveugles sur l’état de santé des personnes vaccinées. A présent, nous allons pouvoir faire de la dentelle et intensifier le ciblage des personnes à risque », explique Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM).

48 % de vaccinés parmi les obèses sévères

En effet, les trois-quarts de plus de 60 ans sont vaccinés au niveau national, et la campagne d’appels et de SMS pour inciter les plus de 75 ans à prendre un rendez-vous a bien fonctionné, avec 80 % de primo-vaccinés.

Mais côté comorbidités, sur les cinq pathologies « à très haut risque » (cancers actifs, dialysés, transplantés, mucoviscidose, trisomie), les taux oscillent entre 66 % et 83 % de la population adulte – peut mieux faire.

Quant à certaines pathologies « à risque », elles sont très mal couvertes, à commencer par l’obésité sévère (48 %), les maladies du foie (53 %), les maladies respiratoires (59 à 64 %). La CNAM a réuni les associations de patients cette semaine pour établir un plan d’attaque. « La nouvelle consigne, c’est tous sur le pont pour repérer les personnes non-vaccinées avec une comorbidité », explique Marguerite Cazeneuve. Kits de communication par pathologie ; mobilisation des pharmaciens ; campagnes de « nudge » : cette nouvelle bataille sera un bon entraînement avant d’affronter le mur de la baisse d’intérêt pour la vaccination, probablement cet été.


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