Ce ne sera probablement qu’un été à demi-serein. Tous les indicateurs épidémiques sont orientés au beau fixe en cette fin juin en France. Tous, sauf la progression du variant Delta, venu d’Inde. Cette version 60 % plus contagieuse du coronavirus, et également un peu plus résistante aux vaccins, pesait 9 à 10 % des contaminations la semaine dernière. Elle serait déjà à 20 % – c’est ce qu’a annoncé le ministre de la Santé, Olivier Véran, mardi sur franceinfo. « On peut y échapper » avec la vaccination et un traçage serré, a-t-il cependant assuré.
Comme avec le variant britannique, qui était déjà plus contagieux que la souche historique, c’est une course de vitesse entre l’immunisation de la population et la propagation du virus. Pour l’instant, Delta remplace Alpha (le variant « britannique »), mais tout va bien : le nombre de cas baisse chaque jour, le taux de positivité des tests poursuit sa descente, les hôpitaux se vident peu à peu. D’ici à la fin de l’été, Delta sera majoritaire en France, comme il l’est déjà devenu au Royaume-Uni. Il faudrait en théorie 85 % de vaccinés pour éviter un rebond.
Des signes de faiblesse dans la campagne vaccinale
Non seulement c’est très improbable, et le gouvernement se contente plutôt de viser 85 % des plus de 50 ans , mais en plus la campagne vaccinale donne des signes de faiblesse . Le cap de la moitié des Français primo-vaccinés vient d’être franchi, soit 62 % des adultes. Mais les gains sur les plus de 50 ans, primo-vaccinés à 76 %, sont devenus très marginaux. Et 300.000 créneaux de vaccination demeurent vacants chaque jour pour les trois jours à venir, alors que ce stock-tampon n’était que de quelques dizaines de milliers au cours des semaines précédentes.
« On continue les injections à un rythme très soutenu », mais la progression est « plus lente » chez les personnes âgées, car c’est « le dernier kilomètre », explique-t-on au ministère de la Santé, en faisant remarquer que 80 à 85 % des rendez-vous sont désormais pris par les moins de 50 ans. Il reste 4,8 millions de Français de plus de 55 ans à vacciner.
« Le vaccin est efficace contre le variant Delta, particulièrement avec deux doses », plaide le ministère, qui met en avant un score dépassant 70 % de protection contre les formes graves après une dose, et 90 % après deux doses, « quel que soit le vaccin ».
La braderie de Lille annulée
Les positions commencent à se tendre. La maire de Lille, Martine Aubry, a annoncé mardi l’annulation de la braderie, qui devait rassembler des centaines de milliers de personnes les 4 et 5 septembre, un « crève-coeur » dicté par « la nécessaire poursuite de la vaccination qui n’a pas encore atteint un niveau suffisant, ainsi que l’arrivée de nouveaux variants ».
Olivier Véran et la ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon, ont écrit aux directeurs d’hôpitaux et de maisons de retraite lundi pour les menacer de rendre obligatoire la vaccination des soignants : « Notre objectif est que d’ici le mois de septembre, au moins 80 % des professionnels des Ehpad et des établissements de santé aient reçu au moins une dose », écrivent-ils dans ce courrier révélé par l’AFP. « A défaut, nous ouvrirons la voie d’une obligation vaccinale pour les professionnels de santé », ajoutent-ils en désignant plus particulièrement les Ehpad et les unités de soins de longue durée où « seuls 55 % des professionnels ont reçu au moins une dose ».
Vacciner les adolescents
Lundi, l’Institut Pasteur a prépublié une étude portant sur le risque de rebond épidémique à l’automne. Il table sur 30 % de vaccination des adolescents, 70 % pour les adultes de moins de 60 ans, 90 % au-delà. Un pic d’hospitalisations comparable à celui de la deuxième vague est possible si toutes les mesures de contrôle sont levées, mais il sera également beaucoup moins difficile d’endiguer la circulation virale, grâce à la vaccination, estiment les chercheurs. Les seniors non-vaccinés ne pèseraient que 3 % de la population, mais 35 % des hospitalisations.
Quant aux enfants et aux adolescents, soit 22 % de la population, comme ils sont peu vaccinés, ils seraient à l’origine de la moitié des transmissions, et touchés par la moitié des infections. Leur situation est « une source d’inquiétude », écrit l’Institut Pasteur, qui appelle à les vacciner pour ne pas refermer les classes.