Le Sénat réclame le déblocage exceptionnel de l’épargne salariale en franchise d’impôt. Cet outil de soutien à la consommation est devenu un « classique » en période de crise. Nicolas Sarkozy l’avait utilisé en 2004 et 2008 et François Hollande y avait eu recours en 2013.
Pourtant, la mesure ne figure pas dans l’arsenal déployé par le gouvernement depuis le printemps contre l’épidémie de coronavirus . En dépit du choc sur l’activité causé par le Covid-19, les salariés n’ont pas été autorisés à toucher aux 140 milliards de participation ou d’intéressement qu’ils ont mis de côté. Et cela ne devrait pas changer.
« L’option n’est pas du tout sur la table », déclare-t-on au ministère de l’Economie et des Finances, tout en faisant valoir que les indépendants ont, eux, temporairement le droit de piocher dans leur épargne retraite. L’argument principal est que le déblocage de l’épargne salariale « n’est pas nécessaire ». De fait, depuis le début de la crise sanitaire, les Français se sont constitué un matelas de précaution de près de 90 milliards d’euros, ce qui rend difficile d’envisager que les sommes retirées de l’épargne salariale soient utilisées pour des achats.
Les expériences précédentes n’ont en outre pas été très concluantes. La mesure a entraîné le versement de seulement 3,9 milliards d’euros aux salariés en 2008, alors que 8 milliards avaient été débloqués en 2004. Le plan de François Hollande s’est révélé encore plus décevant en 2013, avec environ 2 milliards retirés.
Achat de véhicules propres ou rénovation énergétique
Cela n’a pas empêché le débat de s’inviter au Palais du Luxembourg lors de l’examen du projet de budget pour 2021 . Le 21 novembre, les sénateurs ont adopté un amendement en ce sens. Le groupe LR a proposé d’autoriser d’ici à la fin de l’année le versement anticipé de la participation ou de l’intéressement dans une limite de 8.000 euros et à condition que cela serve « à l’achat d’un véhicule neuf électrique, hybride rechargeable ou thermique peu polluant, ainsi qu’à la réalisation de travaux de rénovation énergétique de la résidence principale du bénéficiaire ».
Le gouvernement n’a pas soutenu cette proposition, qui présente des avantages, selon le sénateur Albéric de Montgolfier (LR). « Le gouvernement ne peut qu’être favorable à une mesure qui n’accroîtrait nullement le déficit, à l’heure où l’on injecte beaucoup d’argent public et où la perspective d’un désendettement de la France s’éloigne de jour en jour », a défendu le sénateur. « On ne réfléchit sans doute pas suffisamment aux moyens qui permettraient aux Français d’épargner moins et de consommer plus ».
Une demande de la CFE-CGC d’Orange
Du côté des organisations syndicales, on se concentre pour le moment sur le dossier du télétravail . Mais elles pourraient se saisir du sujet. La CFE-CGC d’Orange a déjà demandé au ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, d’ouvrir ce dispositif. L’opérateur télécoms, poids lourd de l’actionnariat salarié, avec 4 milliards d’euros d’encours pour 90.000 bénéficiaires, a écrit au ministre le 17 novembre.
« Les plus fragilisés par la crise, de toutes les couches sociales, et ceux qui ont besoin de venir en aide à leurs proches ont besoin d’accéder à cette épargne », explique la lettre, tout en soulignant qu’« au sein même d’Orange, dont le personnel ne connaît qu’une faible chute de revenus, les demandes d’aides et chèques d’urgence […] n’ont cessé d’augmenter ces derniers mois ».
Au niveau national, la confédération CFE-CGC s’en tient aux propositions qu’elle avait défendues l’été dernier, à savoir le déblocage de l’épargne salariale pour « les victimes économiques et sanitaires de la Covid-19 » ou le déblocage en faveur « des achats de produits fabriqués en France ».
Flécher l’épargne des Français
Si Bercy ne veut pas de cette mesure, c’est aussi parce que sa priorité est de soutenir les entreprises et de flécher l’épargne des Français vers les fonds propres. D’où son soutien aux récents amendements au projet de budget en faveur de l’actionnariat salarié à l’Assemblée.
Pour la CFE-CGC, les deux dispositifs ne s’opposent pas. Dans le cadre de la relance, le syndicat a lui-même proposé cet été à Bercy un mécanisme de soutien aux fonds propres des entreprises, qui prendrait la forme d’un plan d’épargne mais avec une garantie de l’Etat pour limiter le risque pris par les Français. L’idée n’a manifestement pas séduit.