Des « entreprises étranglées » confrontées à « un problème de survie » à court terme et vouées « à se poser la question de délocalisation » à moyen terme. Face à la flambée des prix de l’énergie qui n’en finit pas, le Medef cherche à dramatiser les enjeux pour pousser l’Europe à revoir le fonctionnement de son marché de l’électricité et le gouvernement français à assouplir son système d’aides.
Lors d’une conférence de presse organisée ce mercredi, le président de l’organisation patronale, Geoffroy Roux de Bézieux, n’a ainsi pas caché vouloir « remettre la question de l’énergie au centre de l’attention, alors qu’elle avait un peu disparu des radars du point de vue de l’impact sur la compétitivité ». Or la secousse est rude pour le monde économique européen, avec un « rapport de 1 à 10 entre le prix de l’énergie aux Etats-Unis et en France », a-t-il assuré. « Il y a un risque général de compétitivité pour l’Europe vis-à-vis de la Chine, de l’Asie et des Etats-Unis », a argué le dirigeant patronal.
Facture qui explose
Si ce problème obscurcit l’horizon, le patronat s’alarme aussi des dangers immédiats qui guettent les entreprises, avec une facture énergétique qui aurait explosé de 16 milliards d’euros en 2022, dont 6 milliards pour la seule industrie. « On n’arrive pas à répercuter ces prix sur le consommateur final », a mis en garde Geoffroy Roux de Bézieux, alimentant le risque de faillites ou de limitations et d’arrêts de production.
Face à cela, la réponse du gouvernement est-elle suffisante ? Pour le moment, le patronat montre un enthousiasme pour le moins mesuré à l’évocation de l’arsenal de 10 milliards d’euros dévoilé fin octobre par la Première ministre Elisabeth Borne et le ministre de l’Economie Bruno Le Maire pour aider les entreprises.
« Pour ces 10 milliards, nous avons quelques doutes et je ne sais pas dire si le compte y est. Nous avons de nombreux adhérents qui reviennent vers nous pour nous dire qu’ils ne pourront pas y avoir droit ou que ça ne sera pas assez », a avancé le président du Medef. Celui-ci dit « ne pas savoir comment Bercy aboutit à ce montant de 10 milliards ». « Il ne faudrait pas que le dispositif soit trop ajusté. »
Exercice d’équilibriste
Cette question oblige toutefois le patronat à un exercice d’équilibriste. Difficile en effet de demander à l’Etat de sortir à nouveau le carnet de chèques, au moment où il réclame en parallèle au gouvernement d’en finir avec le « quoi qu’il en coûte » et d’assainir les finances publiques. Geoffroy Roux de Bézieux préfère donc parler « d’ajustements opérationnels » aux mécanismes mis en place.
Cela vise moins les TPE, qui bénéficient du bouclier tarifaire accordé aux ménages . En revanche, des critères pourraient être revus à ses yeux pour le mécanisme de 7 milliards prévu pour les PME à partir de janvier, qui passe par la prise en charge par l’Etat d’une partie de la facture soumise aux prix de marché de l’électricité et reviendrait à réduire d’environ 120 euros par mégawattheure (MWh) les montants payés. Même demande d’ajustements pour le guichet de 3 milliards prévu pour les ETI et les grandes entreprises, prévu dès ce mois-ci.
Surtout, le patronat réclame aussi que ces dispositifs « soient adaptés en fonction de l’évolution des prix de l’électricité ». En clair, qu’on ne fasse pas de l’enveloppe de 10 milliards une donnée intangible, comme le proclame pourtant Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie.
Attaques contre l’Allemagne
Mais de quelque manière que l’on prenne ces dispositifs, le Medef arrive à la conclusion qu’ils sont bien moins généreux que ceux pratiqués outre-Rhin. L’Allemagne ! Le président de l’organisation patronale n’a pas hésité à lâcher ses coups ce mercredi contre la première puissance économique européenne, son plan à 124 milliards et son « cavalier seul » fait au détriment de ses voisins .
« On ne comprend pas pourquoi les grandes entreprises allemandes bénéficient d’autant d’aides, qui leur permettent de bénéficier d’un prix de l’électricité plafonné à 130 euros par MWh, alors qu’en France on nous dit qu’on ne peut avoir droit à un tel système », a argué Geoffroy Roux de Bézieux. « Je ne peux pas imaginer que la Commission européenne laisse perdurer cela », a-t-il ajouté.
L’Allemagne est d’autant plus dans le viseur du patronat français qu’elle montre peu d’empressement à faire aboutir une réforme du mécanisme européen de fixation des prix de l’électricité. « La vraie solution de long terme face à la hausse des prix de l’énergie, c’est de réussir à avoir un prix commun de l’électricité en Europe, qui soit compétitif dans le monde », a argué Geoffroy Roux de Bézieux.
Celui-ci a, à nouveau, plaidé pour une solution qui s’approche du mécanisme mis en place dans la péninsule ibérique permettant de découpler les prix de l’électricité des prix du gaz, évoquant également ce qui est discuté en Grèce. « Le prix du pétrole est mondial, celui de l’électricité est local. Auparavant, les prix de l’énergie n’étaient pas un sujet de compétitivité, maintenant c’est le cas », a-t-il justifié.