Emmanuel Macron s’est projeté dans l’avenir en évoquant « la fin de l’insouciance » quand François Bayrou, un proche du chef de l’Etat, pronostiquait « la crise la plus grave que la France ait connue depuis la guerre » . De quoi craindre de sérieuses turbulences pour l’économie française ? En tout cas, celle-ci fait preuve pour le moment de résistance au vu des derniers indicateurs économiques, même si les économistes anticipent une année 2023 difficile.
Ainsi le climat des affaires est resté stable au mois d’août , selon l’annonce faite ce jeudi par l’Insee. Cet indicateur, qui reflète le moral des chefs d’entreprise, s’est établi à 103, au-dessus de sa moyenne de long terme qui est de 100. Dans le détail, la détérioration enregistrée dans l’industrie a été compensée par une amélioration dans le commerce de détail et dans une moindre mesure dans le bâtiment.
Durant l’été, d’autres signaux rassurants avaient émergé. Début août, l’Insee annonçait ainsi que la croissance avait accéléré plus fortement que prévu au deuxième trimestre, avec un PIB en hausse de 0,5 %. « Ces différents indicateurs sont presque surprenants, d’autant plus qu’il y a une vraie déconnexion avec le moral des ménages qui est lui quasiment à son plus bas historique. Mais en tout cas, ils témoignent d’une vision plutôt solide et moins morose que prévu de l’activité pour le moment, malgré les multiples chocs », juge Mathieu Plane, économiste à l’OFCE.
« Un grand flou pour 2023 »
L’économie française semble donc avoir encore devant elle une période de répit relatif. De quoi rassurer Bercy qui table sur une croissance de 2,5 % cette année. « Ce niveau devrait être atteint, il est même possible que le chiffre soit finalement supérieur. En revanche le choc sera pour 2023, et j’ai un très gros doute sur l’objectif de croissance de 1,3 % affiché pour le moment par l’exécutif », estime Patrick Artus. Le conseiller économique de Natixis table pour sa part sur « une croissance négative l’an prochain ». « La croissance marquera le pas en 2023 et s’établira probablement proche de 0 % pour l’ensemble de l’année », estime ING.
Moins pessimiste, Mathieu Plane évoque « un grand flou pour 2023 ». « La récession n’est pas notre scénario central, mais l’objectif de 1,3 % sera difficile à tenir », juge-t-il, alors que l’OFCE avait annoncé en juillet tabler sur +1 % l’an prochain.
Fin de « l’argent magique »
Le cocktail en préparation pour l’économie française paraît, il est vrai, assez indigeste. Les prix de l’énergie vont pénaliser l’activité – le gaz ne cesse de battre ses propres records – de même que la remontée des taux d’intérêt et avec elle « la fin de l’abondance de liquidités », comme l’a décrit Emmanuel Macron.
« L’argent magique » n’est plus de mise et cela « devrait entraîner une réduction de la voilure budgétaire après trois années de fortes dépenses, notamment avec la fin progressive des aides aux ménages », note Mathieu Plane.
Sortie du bouclier tarifaire
« Ce qui a permis d’éviter un fort ralentissement de l’activité pour le moment, ce sont des mesures comme le bouclier tarifaire sur l’énergie. Mais ces dispositifs sont trop coûteux, l’Etat n’aura pas d’autre choix que d’en sortir », prédit Patrick Artus.
Mercredi, Bruno Le Maire a confirmé que le gel du prix du gaz ne serait pas de mise l’an prochain. « Début 2023, il faudra regarder ce qu’il est raisonnable de faire » en matière de hausse de prix avec « l’objectif que la facture soit raisonnable pour nos compatriotes », a indiqué le ministre de l’Economie sur France 5. Le levier du chèque énergie sera également utilisé pour les ménages modestes.
A tous ces risques pour l’économie française s’ajoute celui d’une coupure totale des livraisons de gaz russe par Vladimir Poutine, pour mettre la pression dans la guerre contre l’Ukraine. « L’impact pour la croissance, nous l’évaluons à 0,5 point de PIB pour la France », a prévenu Bruno Le Maire.