Le Conseil scientifique n’avait pas été consulté en amont sur le calendrier de déconfinement présenté par Emmanuel Macron le 29 avril. Il s’est rattrapé, en rendant jeudi un avis sur la stratégie de déconfinement, qui a été publié par le gouvernement ce vendredi.
Le conseil présidé par le professeur Jean-François Delfraissy ne critique pas le mode d’emploi choisi par l’exécutif, celui d’ un déconfinement en quatre étapes , dont la réouverture des terrasses et des salles de spectacle le 19 mai, sous réserve de respecter trois paramètres sanitaires à l’échelle locale .
Prudence
Mais il met l’accent sur « l’importance majeure d’une réouverture prudente, maîtrisée et avec des objectifs sanitaires », et pose comme horizon une « stratégie d’endiguement » pour septembre. « La réouverture des activités sociales doit être accompagnée par les pouvoirs publics d’objectifs et d’indicateurs sanitaires précis et quantifiés », écrit-il, alors que la méthode du gouvernement a été fluctuante ces derniers mois.
Premier message : la prudence. Même si l’incidence baisse depuis plus de trois semaines , l’épidémie n’a pas dit son dernier mot, « avec une baisse récente de l’incidence, mais aussi une augmentation du pourcentage de variants non britanniques dans certains territoires », souligne le conseil.
Deuxième message, il n’y a aucun intérêt à stabiliser la circulation virale sur un plateau élevé. « L’intensité des mesures de freinage pour rester en plateau est la même, que ce plateau soit à 30.000, 10.000 ou 5.000 nouveaux cas par jour (qui correspondent à des incidences respectives de 300, 100 ou 50/100.000 par semaine) », expose le Conseil scientifique.
Les efforts sont les mêmes, pour des dégâts sanitaires très différents. Avec un « plateau bas » de 100/100.000, « les mois qui viennent seront beaucoup plus faciles à gérer », mais « s’il est élevé, les mois qui viennent seront très incertains ».
Viser 5.000 à 10.000 cas par jour
« Par rapport à un plateau élevé, le choix d’un plateau bas pour les semaines à venir permettrait d’atteindre un niveau de couverture vaccinale suffisant (35 millions de primo-vaccinées au 30 juin) pour envisager sereinement le relâchement des mesures de restriction, et aborder la période estivale dans les meilleures conditions », fait miroiter le Conseil, en citant en exemple l’Irlande et le Portugal, deux pays comparables à la France en termes de taux de vaccination. Ayant appuyé sur le frein jusqu’à ce que l’incidence tombe à 50/100.000, ils peuvent désormais souffler un peu.
Bref, mieux vaudrait, à l’instar de nos voisins européens, viser une incidence de 50 à 100 cas hebdomadaires pour 100.000 habitants avant de lever les freins sanitaires. Ce qui, sur la pente actuelle (un nombre de reproduction effectif de 0,78), nous emmènerait jusqu’au 15 juin, ou bien au 25 mai.
Un programme qui ne colle pas avec celui du gouvernement, qui a fixé par avance le calendrier – avec notamment l’ouverture des salles de restaurant le 9 juin-, et fixé un objectif de taux d’incidence de 400/100.000. Quant aux deux autres critères, le risque de saturation des réanimations et une hausse « très brutale » de l’incidence, ils ne sont pas chiffrés.
Pour une stratégie d’endiguement
Puisque le déconfinement est déjà en marche, le Conseil scientifique donne quelques conseils sur la façon d’accompagner le mouvement. Ainsi, « le week-end de l’Ascension pourrait être précédé d’une grande campagne d’autotests. La date du 9 juin avec la réouverture des bars et des restaurants à l’intérieur doit être particulièrement anticipée. Les élections régionales et départementales doivent être bien encadrées. On ne doit pas sous-estimer la difficulté que les autorités auraient à refermer ces ouvertures si cela s’avérait nécessaire ».
« Indépendamment de la vaccination », ce sont la circulation virale et l’état des réanimations du mois de juin qui permettront ou non de mettre en place pour la rentrée « une stratégie d’endiguement » , « contrairement à ce qui avait été fait en juin 2020 », prévient le Conseil.
500.000 vaccinations quotidiennes même le dimanche
Réduire l’épidémie d’un côté ; accélérer la vaccination de l’autre côté. « Il est fondamental d’atteindre un niveau de 500.000 vaccinations par jour y compris durant les périodes de week-end de printemps (Ascension et Pentecôte) », ajoute le Conseil scientifique. C’est également l’obsession des pouvoirs publics, qui peinent à faire monter les statistiques du samedi et du dimanche. Le score de 600.000 injections quotidiennes a cependant été dépassé jeudi.
L’avis recommande en particulier d’amplifier les démarches proactives vers les personnes âgées et fragiles ou en situation de précarité ; d’envisager dès maintenant la troisième dose pour les populations âgées et immunodéprimées.
Il appelle à être « pragmatique » : « Si des possibilités de vaccination restent libres, il faut que des populations plus jeunes et non à risque de forme grave puissent y avoir accès avec une accélération du calendrier ». C’est ce qu’a décidé Emmanuel Macron jeudi, en annonçant l’ouverture de « rendez-vous du lendemain » pour les 18-49 ans dès mercredi prochain.