A peine quatre jours après leur apparition, les « trussonomics » sont déjà devenus une référence incontournable – et pas forcément à leur avantage. Alors que Bercy a présenté un projet de loi de finances pour 2023 très dépensier , le gouverneur de la Banque de France a agité ce mardi l’épouvantail britannique incarné par la politique économique menée par Liz Truss , pour mettre en garde le gouvernement d’Elisabeth Borne contre toute dérive budgétaire.
« Il est vital de ne pas ajouter l’incertitude à l’incertitude, et de garder nos caps », et notamment « le cap d’une politique budgétaire française ancrée sur une norme de dépenses réellement tenue et permettant le désendettement dans la durée », a averti François Villeroy de Galhau, lors d’une audition devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale.
Choc budgétaire
Le discours est traditionnel dans la bouche d’un banquier central, mais il dispose désormais d’illustrations concrètes des conséquences d’un trop grand relâchement des comptes publics. « Il y a depuis quelques jours une volatilité plus forte sur les marchés, en particulier les changes […] et les taux d’intérêt, avec la très forte hausse des taux britanniques après l’annonce vendredi de déficits budgétaires massifs », a-t-il rappelé devant les députés.
Le programme économique de Liz Truss, dévoilé en fin de semaine dernière – qui prévoit des baisses d’impôts de 45 milliards de livres -, a suscité une forte inquiétude des marchés devant l’ampleur du choc budgétaire non financé : la livre sterling a plongé à son plus bas historique face au dollar tandis que les taux d’emprunt à 10 ans de la Grande-Bretagne ont bondi au niveau de ceux d’ une Italie pourtant secouée par l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir .
Certes, les deux pays ne sont pas dans une situation comparable – Bercy vise un déficit stabilisé à 5 % du PIB l’an prochain alors que celui du Royaume-Uni pourrait exploser à 9 % du PIB selon la banque Barclays . Mais le projet de loi de finances pour 2023 de la France s’annonce dépensier tout à la fois pour amortir le choc provoqué par l’inflation – 45 milliards pour le bouclier tarifaire – mais aussi pour les nombreuses priorités d’Emmanuel Macron, avec par exemple la création de près de 11.000 postes de fonctionnaires . Quant aux promesses d’économies à long terme de l’exécutif – avec une croissance en volume (hors inflation) plafonnée à 0,6 % sur cinq ans – elles suscitent bien des doutes .
Pas de nouveau « quoi qu’il en coûte »
François Villeroy de Galhau s’inquiète du fait que « le ratio d’endettement public, déjà fortement dégradé à la suite du choc Covid, serait au mieux stabilisé à l’horizon 2024», à cause notamment du coût des mesures de soutien comme le bouclier tarifaire.
Le gouverneur de la Banque de France a également mis en garde contre la tentation « d’un nouveau « quoi qu’il en coûte »» : « Les politiques de soutien à la demande, largement justifiées dans le contexte du choc Covid, sont à la fois moins disponibles et moins adaptées à la crise actuelle », qui « se traduit par des problèmes d’offre ». Il appelle donc à « muscler notre capacité productive, afin de produire plus et mieux ».
Cela passe notamment à ses yeux par « l’accroissement de la quantité et la qualité de travail » en France. « Augmenter l’offre de travail et sa qualification constitue une priorité absolue », ajoute-t-il. De quoi cette fois le rapprocher du discours gouvernemental qui entend justement augmenter l’offre de travail, notamment en misant sur la réforme des retraites.