Il y a 200.000 employés placardisés en France, d’après un sondage réalisé par l’Institut Montaigne et Kantar Public, et dont le résultat est publié dans une note du think tank ce lundi. Cela représente 0,7% des salariés français, si l’on prend en compte les chiffres du salariat de la Dares. C’est la première fois en France que le phénomène de mise au placard est quantifié. “Je n’ai jamais eu connaissance de précédentes études”, explique l’auteur du sondage, Franck Morel. “Ce que je regrette, car c’est un vrai phénomène qui mérite d’être appréhendé”, poursuit l’avocat spécialisé dans le droit du travail.
Le placard est un poste qui se caractérise notamment par “l’absence de sens”, “le retrait du collectif” et “l’absence de suivi par la hiérarchie”. Le phénomène se produit lorsque l’entreprise “ne souhaite pas ou ne peut rompre les relations de travail avec l’intéressé”, mais doit “maintenir le lien contractuel”, ou veut “l’inciter à quitter de lui-même l’entreprise ou l’organisation vers un autre emploi”.
“Atteinte psychologique”
Or, les effets de ces “mises au placard” sont nuisibles “pour l’employeur et le salarié”, explique la note, qui rappelle qu’elles “se traduisent généralement par une atteinte psychologique de la personne, ce qui peut (…) se traduire par des arrêts de travail”. “Les troubles psychologiques sont aujourd’hui la deuxième cause d’arrêt-maladie en France et connaissent une forte hausse : 20 % des arrêts-maladies en 2022 contre 11 % en 2016”, note l’Institut Montaigne.
“Le coût direct et indirect des mises au placard en France est de l’ordre d’au moins 10 milliards d’euros par an pour l’économie française”, poursuit Franck Morel, pointant “les dépenses salariales des intéressés, payés pour un travail qui a priori n’a pas d’autre utilité que leur maintien en emploi”. Les dépenses de l’Assurance-maladie liées aux arrêts de travail “sont de l’ordre de 10 à 100 millions d’euros”.
Toutes les classes d’âge
Il préconise notamment de “lever les tabous par un large dialogue dans les entreprises et administrations sur ces situations”. La placardisation touche “toutes les classes d’âge et types d’entreprises ou d’administration”, mais davantage “les femmes, et soulève des difficultés plus sérieuses pour les seniors”. “À la fin de son parcours professionnel, on va ressentir [cette mise au placard] de manière plus difficile”, explique Franck Morel.
Il s’est penché sur le sujet pour rédiger la note “Emploi des seniors : agir sur tous les leviers” pour l’Institut Montaigne. Il développe une série de propositions pour favoriser l’emploi des salariés en fin de carrière (à partir de 45-50 ans), à quelques mois de la réforme des retraites, qui devrait repousser l’âge légal de départ à 65 ans. Un enjeu particulièrement important, puisqu’en France, le taux d’emploi des 60-64 ans est de 33,1 %, soit 12 points derrière la moyenne des pays de l’Union européenne.