Fait rare pour être souligné, les cinq principales organisations syndicales ont signé mi-octobre un courrier commun au Premier ministre, avec copie au chef de l’Etat , demandant, entre autres, de reporter la réforme des retraites sine die. Fait encore plus rare, un autre mail est parti lundi, six jours à peine après le premier, à destination du ministère du Travail agréé par l’ensemble des partenaires sociaux cette fois-ci, Medef, CPME et U2P inclus !
L’objet de cette lettre ? Faire bloc sur le sujet des reconversions professionnelles, sujet sensible sur lequel des annonces pourraient intervenir lundi prochain lors du second sommet social du gouvernement Castex, selon nos informations. Quitte au passage pour les huit signataires à renvoyer l’exécutif dans ses cordes sur l’une des propositions qu’il a mise sur la table.
La proposition en question porte sur la création d’une nouvelle modalité du Compte personnel de formation de transition professionnelle, ciblée sur les métiers en tension . Les partenaires sociaux « expriment leur désaccord vis-à-vis de cette proposition, trop complexe à mettre en oeuvre », peut-on lire dans le courrier auquel « Les Echos » ont eu accès. Traiter le sujet des métiers en tension, oui, mais dans le cadre du groupe de travail ad hoc institué par ailleurs , poursuivent les signataires.
Rôle pivot
Unanimes dans cette opposition, syndicats et patronat le sont aussi sur un ensemble de propositions destinées, assurent-ils, à « optimiser et renforcer » les réponses existantes qu’ils jugent « sous-dimensionnées » face aux besoins immédiats induits par la crise mais aussi pour anticiper les mouvements de moyen et long terme.
Pour cela, trois préalables ont été identifiés. Le premier, logique, passe par l’identification des besoins de qualifications et de compétences des entreprises. Il faut ensuite, et c’est plus sensible vis-à-vis de l’Etat, trouver un nouveau cadre pour se mettre d’accord sur le montant des moyens financiers pour payer salaire et formation des salariés qui veulent ou sont obligés de changer de métier . Dernier point, enfin, partager l’information en temps réel (sous-entendu, ce n’est pas le cas).
Ceci étant dit, les partenaires sociaux réclament un « rôle pivot » pour les associations régionales Transition pro. A leur main, ces associations gèrent les dossiers de CPF de transition professionnelle (qui a remplacé le Congé individuel de formation) et elles doivent pouvoir recevoir des financements autres que ceux qui leur sont dévolus. Dans cette logique, la coopération avec les opérateurs de compétences OPCO doit être renforcée dans les territoires pour « sécuriser » les reconversions d’un secteur à un autre, un des points faibles de la réforme Pénicaud de 2018.
Plus de crédits
Le courrier demande aussi d’augmenter les crédits du CPF de transition, au-delà donc des 600 millions prévus dont 100 de rallonge via le plan de relance . Le Medef, qui avait avancé ses pions en solo il y a un mois , demandait 300 millions de plus. Aucun chiffre n’est avancé cette fois-ci.
Le CPF de transition répondant à une démarche individuelle du salarié, les partenaires sociaux avancent enfin leurs propositions sur les reconversions décidées dans le cadre collectif de l’entreprise. Il s’agit d’une part de simplifier la procédure d’extension des accords de branche relatifs au dispositif de formation Pro-A par alternance. Et d’autre part de mobiliser les crédits, en plus de ceux du FNE formation, du grand plan compétences, le PIC, pourtant destiné aux chômeurs sans qualification. A charge pour l’Etat, via les Direccte, les régions et les partenaires sociaux, de valider les dossiers.