La refonte d’Action Logement voulue par le gouvernement et la ponction de sa trésorerie créent des remous chez les partenaires sociaux. Dans un courrier daté du 24 septembre que « Les Echos » ont pu consulter, le Medef, la CPME, la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC et la CFTC, qui gèrent paritairement l’organisme, font part de leurs inquiétudes et de leurs agacements au Premier ministre, Jean Castex.
S’ils s’accordent sur une « nécessaire évolution » du collecteur de la Peec, la participation des employeurs à l’effort de construction de logements sociaux et intermédiaires, ils s’offusquent de la méthode employée par l’exécutif. Et soulignent qu’ils comptent bien garder la main sur cette réforme. « Nous entendons proposer des progrès et améliorations nécessaires, les discuter avec les ministères concernés puis les mettre en oeuvre dans le cadre du paritarisme », écrivent-ils.
« Echange et dialogue »
Patronat et syndicats se disent « résolus à prendre ensemble des initiatives pour poursuivre la réforme engagée en 2016, afin de déployer plus efficacement encore la stratégie d’Action Logement, d’assurer sa bonne gestion et son développement au profit de son objet social ». Mais ils veulent pour cela prendre le temps de la discussion et « ne pas avancer sous l’aiguillon de propositions internes aux services de l’Etat, non transmises à ce jour à tous les partenaires sociaux, et sur lesquelles une discussion approfondie et fructueuse n’a donc par définition pas pu se tenir […]. La réforme d’Action Logement mérite de se tenir dans un cadre approprié, où l’échange et le dialogue puissent forger les pistes de transformation nécessaires, plutôt que dans une vision unilatérale », ajoutent-ils.
Patronat et syndicats ciblent ici le rapport de l’Inspection générale des finances « en quatre tomes », portant sur la gouvernance et la gestion d’Action Logement, remis au gouvernement en janvier dernier. Ceci sans « que tous les partenaires sociaux qui supervisent ensemble ce groupe en aient été destinataires, les mettant ainsi jusqu’ici dans l’impossibilité de se faire une opinion sur les constats, critiques et propositions formulés par cette mission », écrivent-ils.
Or c’est bien ce rapport qui « inspire visiblement au gouvernement des projets de réforme d’Action Logement, au coeur du paritarisme depuis la création du 1 %-Logement il y a trois-quarts de siècle », poursuivent-ils. Rappelant au passage qu’Action Logement est le premier bailleur social de France, avec plus de 1 million de logements sous gestion. Et qu’il participe au financement de pans entiers de la politique du logement.
« Blocages de l’Etat »
En l’absence de communication du rapport de l’IGF, les partenaires sociaux jugent difficile de participer efficacement à la concertation annoncée, mi-septembre, par la ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon. Une promesse faite à l’issue d’une journée réunissant les représentants du monde HLM, qui n’ont eu de cesse de s’indigner des « attaques » dont Action Logement fait selon eux l’objet depuis quelques mois.
Dans leur courrier à Jean Castex, les partenaires sociaux s’insurgent aussi de la ponction de 1 milliard sur la trésorerie d’Action Logement – à laquelle ils auraient souhaité que l’Etat renonce – décidée par Bercy pour boucler le financement de son budget pour 2021 . Et de l’annulation d’une compensation de 300 millions supplémentaires prévue au titre de la loi Pacte.
Ces décisions « unilatérales » leur apparaissent en outre « de faible pertinence économique et financière », écrivent-ils. Pour eux, le gouvernement semble en effet perdre de vue que si Action Logement dispose d’une trésorerie confortable, c’est « afin de pourvoir aux décaissements futurs de ses investissements dans le logement des salariés ». Ceci s’explique aussi par les retards pris dans l’utilisation des fonds disponibles, « souvent issus de blocages de l’Etat dans ses instances de gouvernance », insistent-ils. Manière d’indiquer que l’exécutif est en partie responsable des dysfonctionnements qu’il souligne…
« Prélèvement obligatoire »
Patronat et syndicats notent par ailleurs que cette « ponction de 1,3milliard » intervient « après plusieurs autres subies ces dernières années, d’ordres de grandeur similaires, et proches du montant de la Peec (1,6 milliard). En d’autres termes, l’Etat agit comme s’il récupérait ce versement des entreprises, en l’assimilant à un prélèvement obligatoire », s’insurgent-ils. Or, estiment-ils, « considérer la Peec comme un prélèvement obligatoire serait un grave détournement de l’objet social du 1 %-Logement ».